Chapitre 40 - May

174 32 27
                                    

May

Ce lundi est l'un des plus difficiles que j'ai vécu. Je m'arrache de mes draps pour aller travailler. Et pour la première fois de ma vie, je suis tentée de me faire porter pâle. J'ai passé le reste de mon week-end dans mon lit à me morfondre, ce qui ne me ressemble pas du tout. Alex s'en est inquiété, et est venu frapper régulièrement. À chaque fois, j'ai attrapé mon ordinateur que j'ai ramené vers moi, et je lui ai souri en lui disant que j'avais du retard sur mon rapport de stage.

En vérité, j'ai l'impression que mon cœur s'est enfui de ma poitrine pour aller se réfugier dans la chambre d'à côté. Je me sens vide. Sans espoir, sans envie, sans rien. Comme si, lorsque j'avais refermé sa porte, j'avais en même temps refermé celle de mon âme.

James a raison sur un point, c'est qu'il était déjà trop tard. Je me suis trop attachée à lui, quoi que j'en dise. Et j'en paye le prix.

Je me traîne dans les rues de Boston pour me rendre à Medtech sans prendre garde aux couleurs d'automne qui ont transformé le paysage. Je suis encore plus distraite que d'habitude, et je ne fais pas attention à la voiture qui fonce vers moi lorsque je traverse l'avenue. Le chauffeur freine en m'insultant, et je n'ai même pas la force de m'excuser avec un sourire. Si James était là, il m'aurait dit qu'il doutait vraiment de mon instinct de survie, ou quelque chose dans ce goût-là.

Lorsque j'arrive dans les locaux, je croise le Dr Sharmaa, aussi charismatique que d'ordinaire.

— May ! J'ai une réunion qui s'est annulée cet après-midi, j'aimerais qu'on prenne le temps de faire un point toutes les deux. 

— D'accord, accepté-je, d'une voix beaucoup trop éteinte à mon goût.

— Bien, je vous attends à seize heures.

Je la remercie avec un ultime sourire de façade, et vais poser mes affaires dans le bureau des développeurs logiciels, comme tous les matins. Je ne sors même pas mon portable du fond de mon sac. Je n'ai pas besoin de lire de nouveaux messages du stalker qui m'a mis dans cette situation.

— May jolie, m'accueille Eva en entrant dans la pièce, son café à la main. Tu as passé un bon week-end ?

Je me retourne et elle doit déchiffrer la réponse à ma question dans mon regard, car elle s'approche de moi, inquiète.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Rien, je...

— C'est encore à cause de raclures qui te servent de colocataires ?

— Non. Enfin oui.

Noa et Jared ne sont pas encore arrivés, et nous sommes seules dans le bureau. Elle me guide jusqu'à sa chaise et me prie de m'assoir.

— Raconte-moi.

Eva est adorable. Même si je ne lui donne pas toute l'attention qu'elle mérite, elle ne s'éloigne jamais de moi. À partir d'aujourd'hui, elle va devenir mon amie. Une vraie. J'ai trop compté sur mes colocataires pour remplir ce rôle, et voilà où ça m'a mené.

— Tu te souviens de James ?

— Le tatoueur ? Celui qui est venu t'arracher à notre soirée au Dixit ?

— Ouais, celui-là.

— Qu'est-ce qu'il t'a fait ?

Je sens la fureur dans sa voix. Eva me fait penser aux petits roquets qui mordent les mollets quand on s'approche un peu trop de leur maître.

— Rien, c'est moi, je crois. Je lui ai dit que je ne voulais pas qu'on soit ensemble...

— Pardon ? Mais pour quelle raison ? Depuis quand vous flirtiez tous les deux ?

South EndOù les histoires vivent. Découvrez maintenant