Chapitre 15 - James

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James

Ce repas est un calvaire. Pourquoi suis-je venu déjà ? Ah oui, à cause de ces deux petites têtes blondes qui m'ignorent royalement. Leur grand-mère leur a apporté deux bébés en plastiques flippants, et ça a suffi à me rendre invisible à leurs yeux. Je remue d'un œil distrait le contenu de mon assiette pendant que mon père questionne Diana au sujet de ses patients, puis de la politique du nouveau directeur de l'hôpital.

Heureusement, Sam est revenu de déplacement. Le mari de ma sœur a bien saisi l'aversion que j'ai pour ces évènements familiaux, donc il fait le tampon entre mes parents et moi. Une fois sur deux, il arrive à attirer l'attention vers lui lorsque l'un d'eux m'assène une de leurs répliques cinglantes.

Mes pensées convergent vers la fille avec qui j'ai passé la matinée. Et la soirée d'hier. Je devais l'éviter, et j'ai tout fait foirer.

C'était bien. Beaucoup trop bien. Car par-delà l'attirance physique que je ressens pour May, il y a autre chose. Ses mimiques, son esprit, sa maladresse. Tout en elle me plaît.

Bordel, je suis foutu.

— James ?

— Hein ?

— Je te disais, est-ce que tu viendras à la garden-party des Crawford ? Ça me ferait plaisir de t'acheter une chemise.

Ma mère à l'art et la manière de manipuler les gens. M'acheter une chemise signifie : je vais t'acheter un vêtement à manches longues et à col haut pour cacher tes tatouages, et on pourra faire semblant d'être une famille heureuse.

— Non merci, je ne suis pas disponible.

— Moi je viendrais, nous coupe Sam en affichant un grand sourire qui contraste avec sa peau mate.

Je lui adresse un signe de tête reconnaissant.

— Je ne t'ai même pas dit quand c'était !

Cette fois-ci, il a mis un coup d'épée dans l'eau.

— Si tu avais su garder Isabella, tu n'aurais pas eu à y aller tout seul. Elle était parfaite lors de ce genre évènement, tout le monde l'adorait, ajoute mon père en se servant du vin.

J'ai l'impression de me prendre un coup de pied dans le bide. Ma sœur me lance un regard désolé depuis la cuisine, et Sam se dandine sur sa chaise, mal à l'aise. C'est vrai, Isabella avait un faible pour le Champagne gratuit et les buffets de minis sandwich au homard.

On frappe à la porte trois petits coups, et cette visite surprise me tend un peu plus. Anna se rue dans le couloir pour ouvrir.

Ma mère continue de parler, mais au-dessus du bruit de fond qu'est sa voix, je discerne mon prénom. Le vacarme de ma chaise qui racle sur le parquet massif la fait sursauter, et je m'engouffre à mon tour dans l'entrée. Qu'est-ce qu'elle fait là, bordel ? Est-ce qu'elle va bien ? Est-ce qu'elle est passée sous un bus ? Est-ce que quelqu'un s'en est pris à elle ?

Calme-toi, abruti !

Elle est là, devant moi. Avec sa brassière de sport et son legging outrageusement sexy qui laisse entrevoir la peau nue de son ventre. Celui-là même que j'aimerais caresser avant de glisser mes doigts plus haut. Elle lève son regard vers moi, et le soulagement m'envahit. Elle va bien. Mais alors pourquoi se permet-elle de débouler chez Diana alors que mes parents sont dans la pièce adjacente ?!

S'il y a une chose dont j'ai horreur, c'est étaler ma vie privée. Même ma sœur ne connaît, au final, pas grand-chose de moi. Elle a déjà rencontré mes colocataires bien sûr, mais jamais je n'exprime mes sentiments, mes difficultés, ou mes besoins. Sans doute par peur d'être jugé, ou peut-être de décevoir, je n'en sais rien. Toujours est-il qu'elle est là, à me fixer de son regard anthracite, et que pour une fois, je n'ai vraiment pas envie de la voir.

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