Chapitre 9 - James

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James

Les samedis sont toujours des sales journées. Enfin, surtout quand je suis seul au salon. L'inconvénient du quartier, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui flânent, qui se baladent, et qui s'arrêtent devant la vitrine. Seuls quelques-uns poussent la porte pour me parler, mais ceux qui le font sont déjà trop. J'ai horreur de devoir m'interrompre pendant un tatouage.

Habituellement, Kiera se charge de l'accueil et propose ses flashs, des petits dessins rapides. Le reste de sa semaine est dédiée à ses tatouages plus importants. Mais j'ai dû jongler entre mes clients qui avaient rendez-vous et les curieux qui voulaient discuter d'un hypothétique projet qui — peut-être ? — ne se réaliserait jamais.

Quand j'ai reçu le message d'Alex me suggérant de se retrouver au Clover pour boire une bière, je me suis empressé de fermer boutique et de le rejoindre.

Il pleut des cordes, mais j'ai quand même préféré garer ma voiture à la maison et venir au bar à pied. Je ferme ma veste jusqu'à mon menton et arrive trempé, mais heureux. Je pousse la lourde porte en bois et cherche des yeux mon ami, mais tombe sur May derrière le comptoir qui rit aux éclats à une parole de Finn.

Merde, j'avais oublié, c'est sa première soirée aujourd'hui.

Je veux détourner mon regard mais je n'y parviens pas. Ses cheveux sont noués en une queue de cheval haute, et elle a accroché un tablier aux couleurs du bar autour de ses hanches. Mon coloc lui apprend à tirer la bière parfaite en inclinant légèrement le verre puis en le relevant doucement pour éviter la mousse. Elle porte un simple t-shirt et un jean, inconsciente du déluge qui s'abat dehors.

Un type me bouscule, je me suis arrêté dans le passage. C'est ce qu'il me fallait pour me secouer et chercher des yeux mon ami. Je le repère accoudé à une table, avec Bull. Ils ont déjà commandé et sont en train de descendre leur bière.

— Il est là ! s'exclame Alex en me voyant les rejoindre. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Tu as fait une brasse dans la rivière Charles ?

— Il fait un sale temps. Vous êtes arrivés depuis longtemps ?

— Dix minutes. Ce n'est pas trop bizarre que May bosse ici ? Regarde, ils la fixent tous comme si c'était de la viande fraîche.

Je balaye la salle du regard et m'en rend compte moi aussi. Les habitués ont repéré la nouvelle serveuse, et une poignée la dévore des yeux. Je ne sais pas pourquoi, mais le fait qu'elle soit une distraction pour tous ces mecs me donne envie de vomir. Ou de les jeter dans la rivière, au choix.

— Tu vas t'y faire, le rassuré-je. Et ce n'est plus une gamine, c'est toi qui me l'a fait remarquer.

— Ouais, avoue-t-il boudeur. Tu veux une bière ?

J'acquiesce en lui tendant un billet et je le suis des yeux jusqu'au bar. Sa sœur s'empresse de le servir, fière de remplir sa pinte comme son patron lui a montré. Je ne pensais pas que ce simple geste pouvait être aussi érotique.

— Tu ne vas pas saluer Finn ? me demande Bull en me sortant de mes rêveries. C'est ce que tu fais en premier en arrivant ici d'habitude.

— Non, il a l'air occupé.

Bull acquiesce et triture son verre à peine entamé.

C'est l'inconvénient d'être un sportif de haut niveau, il ne se permet jamais d'excès. Deux bières par semaine, grand max. Et je suis à peu près certain que celle qu'il serre entre ses mains va lui faire toute la soirée.

— Dans moins d'une semaine commence le championnat, tu te sens comment ?

— Ça va, le Tank n'est pas très bon, ça devrait être une formalité, me répond-il en haussant les épaules. Je suis prêt.

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