Chapitre 3 - James

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James

J'ai passé ma matinée à bosser mes projets sur ma tablette, et résultat : je suis à la bourre. Quand je respecte mon processus de création, je suis en général plongé si profondément dans mon art que j'oublie tout le reste. Le temps n'a plus d'importance, ni ce qui m'entoure. C'est en quelque sorte un refuge, une bulle dans laquelle je peux m'isoler. Je ne pense à rien, sinon la finesse des traits, les nuances de gris, et le détail que je peux apporter au tatouage. Et j'adore ces moments de répit.

J'ai une grosse pièce à faire cette après-midi, et je dois arriver tôt au salon pour m'assurer que tout est clean pour mon client. Certains diront que je suis maniaque, d'autres que je suis irréprochable sur l'hygiène. En faite, je m'en fous de ce qu'ils racontent, tant que je peux voir dans leurs yeux cette petite lueur qui signifie « je ne regrette pas de lui avoir fait confiance ».

Je dévale l'escalier dans un bruit sourd, et me rue sur le frigidaire. Vite, je dois manger quelque chose avant de partir. Je scrute l'étagère qui m'est dédiée en fronçant les sourcils, et jette mon dévolu sur les restes de mon diner de la veille. Je ne prends même pas la peine de le réchauffer et mange debout devant l'ilot de la cuisine, en à peine une minute. Je nettoie précipitamment le saladier et le laisse sécher, puis m'essuie les mains, attrape mes clés de voiture et quitte la pièce.

Mince, j'ai oublié de répondre à la jolie blonde qui voulait repasser pour ses retouches. Je me saisis de mon portable en ouvrant la porte d'entrée, et cherche son message.

Mon pied bute contre quelque chose, et mon téléphone s'envole de mes mains. Je me sens basculer en avant, mais me rattrape juste à temps à la rambarde de l'escalier en écrasant quelque chose sous ma basket.

Qu'est-ce que... ?

Un petit cri strident me parvient et emporté par mon élan, j'évite l'obstacle et atterris sur le trottoir. Je me stabilise tant bien que mal, mon cœur tambourinant dans ma poitrine : j'ai failli m'étaler dans les escaliers. Je me retourne en maugréant, prêt à envoyer valser d'un coup de pied ce qui aurait bien pu causer ma mort, et me fige.

— Putain, qu'est-ce que tu fous assise dans les marches ! grondé-je d'un ton irrité.

Je ramasse mon portable dont la vitre a explosé en mille morceaux en jurant, puis pose mon regard sur la forme recroquevillée devant moi. Je sais que mes iris ont pris cette teinte sombre, presque noire, qui déstabilise souvent.

May est arrivée. Depuis combien de temps est-elle ici ? Elle n'a pas de valises, pas de sac, donc j'imagine qu'elle est déjà entrée déposer ses affaires. Elle me scrute de ses grands yeux gris apeurés, sa paume sur son cœur. On dirait qu'elle a eu aussi peur que moi.

— Ça va, ta main ?

Ma question la surprend, et elle hoche précipitamment la tête.

— Ne refais jamais ça ! la menacé-je en fronçant les sourcils.

Elle a des écouteurs dans les oreilles, ça explique qu'elle ne m'ait pas entendu ouvrir la porte.

— Qu'est-ce que tu fais là ? répété-je d'un ton sec.

Elle n'a pas encore ouvert la bouche. Elle essaye de reprendre son souffle et de retrouver ses esprits. Mon cœur bat furieusement dans ma poitrine, et je crains qu'il s'en échappe pour la terroriser un peu plus. Après quelques secondes, enfin, elle semble revenir à elle.

— J'attends mon frère.

— La prochaine fois, attends-le ailleurs que dans le passage.

— Désolée pour ton téléphone, balbutie-t-elle. Je payerais les réparations.

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