Chapitre 5 - James

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James

Qui utilise autant de smileys ?

Je fourre mon portable dans ma poche en soupirant.

Ma journée est finie, et j'hésite. J'avais prévu de retourner à la salle, mais j'ai tellement de courbatures que je grimace en montant dans ma voiture. J'ai envie de rentrer, de retrouver ma chambre, et de souffler un peu. C'est ce que je vais faire, tant pis pour mes bonnes résolutions.

May s'entendrait bien avec ma sœur, Diana. Elle utilise au moins autant d'émoticons qu'elle. L'autre fois, quand elle m'a envoyé un texto pour me demander de garder ses filles pour aller faire des courses, elle a fini son message par : smiley « jumelles », « caddie », « sac de shopping » puis « mains jointes suppliantes ». J'ai failli ne pas lui répondre tellement c'était ridicule.

Mais j'ai répondu quand même. Car je crevais d'envie de voir Cassie et Anna. Mes nièces sont une constante dans ma vie, les seules que j'ai envie de voir tous les jours, même ceux où elles décident de me coiffer en nouant des élastiques fluos dans mes cheveux.

D'ailleurs, est-ce que je ne pourrais pas passer les embrasser avant qu'elles ne se couchent ? La maison de Diana est à trois rues de la coloc, ça ne me ferait presque pas de détour. Je regarde l'heure sur mon portable : 20 h 4. Trop tard, elles doivent déjà être au lit. Et si je me pointe maintenant, ma sœur va me faire une maladie car elles ne vont plus vouloir dormir. J'irai les voir demain matin, avant qu'elles ne partent à l'école.

Je me gare dans notre avenue puis franchis les marches du perron en deux enjambées. J'ouvre la porte qui grince, et mon attention se porte tout de suite sur les voix dans la cuisine. Quand j'arrive dans la pièce, je constate avec soulagement qu'il n'y a que Bull et Alexander. Le frère de May est posté devant la plaque de cuisson, un tablier passé autour de son cou et les manches de sa chemise immaculée remontées sur ses coudes.

— Salut mec, m'accueille-t-il en remuant le contenu d'une grande casserole. Tu veux une bière ?

J'hésite puis acquiesce, et Bull se lève de son tabouret pour m'en attraper une dans le frigidaire avant de me la tendre.

— J'ai fait à manger pour tout le monde, continue-t-il alors que je la décapsule avec le dos d'un couteau qui traîne sur la table.

Merde. Ça sous-entend que je peux dire adieu à ma soirée en solitaire. En même temps, ça sent divinement bon. Alex est sans conteste le meilleur en cuisine, et quand il se met au fourneau, on se débrouille tous pour être là et pouvoir en profiter.

— On parlait du combat de Bull à Cleveland le week-end prochain, tu viendras avec nous ?

— Non, Kiera ne sera pas encore rentrée, j'ai des rendez-vous toute la journée samedi.

— Dommage. Mais au moins, May ne sera pas seule à la maison.

— Finn fait partie de cette coloc aussi, au cas où tu ne serais pas au courant, lui réponds-je d'un ton plus sec que je ne l'aurais voulu.

— Il n'est là que pour dormir et pour vider le frigo à son réveil.

— Je ne suis pas baby-sitter.

— Pourquoi tu serais baby-sitter ? May a vingt-trois ans, tu en as vingt-six. Il n'est pas question de s'occuper d'elle, mais juste d'être joignable, au cas où. Je ne sais pas ce que vous avez contre elle tous les deux, dit-il en nous menaçant avec sa cuillère en bois qui goutte sur le sol, mais vous allez faire des efforts. Elle est arrivée il y a trois jours dans une ville qu'elle ne connaît pas, avec des gens qu'elle ne connaît pas, pour entamer un stage dans une boîte qu'elle ne connaît pas. Alors arrêtez de jouer aux cons, et soyez sympa avec elle. Je comprends que vous ne voulez pas d'elle ici, mais faites semblant.

South EndOù les histoires vivent. Découvrez maintenant