James
Bull est déjà parti à la salle pour se préparer au combat de ce soir. Il a davantage la pression que d'habitude, car il joue à domicile. Quand je l'ai croisé tout à l'heure, il était fermé comme une huitre. Encore plus distant, si tant est que ce soit possible.
Tout le club sera là, ainsi que ses sponsors. Et certainement les recruteurs de l'UFC. Une défaite serait un vrai coup dur, ils attendent de lui une victoire. Écrasante, si possible.
Je n'ai jamais vu combattre son adversaire, mais son coach m'a confié que c'était un concurrent sérieux. Cette fois-ci, le succès est loin d'être assuré. Il doit gagner s'il veut avoir sa place parmi les champions de UFC. Toute sa carrière se joue ce soir.
Je crois en lui. Car la haine bouillonne sous sa peau.
Les Davis ont eu une enfance compliquée, celle de Bull était carrément merdique. Il a été retiré à sa mère à seulement trois ans, puis a été balloté de familles d'accueil en familles d'accueil. Il a enchainé les conneries, fréquenté les prisons pour mineurs, puis a trouvé son salut en commençant le muay-thaï. Son entraîneur de l'époque a cru en ses capacités, et lui a fait confiance malgré ses casseroles. Puis tout est allé très vite : son arrivée à Boston, le MMA en championnat.
Il n'a jamais connu l'amour maternel, l'affection, et n'a jamais vraiment été éduqué. Ça explique son attitude parfois distante et inappropriée. Ce gars s'est construit seul, comme il le pouvait, et s'en est sorti malgré tout ce qui le tirait vers le bas. À grand coup de poing dans la gueule.
Quant à moi, attablé dans la cuisine, je réponds à mes nombreux mails, qui n'arrêtent pas d'arriver depuis que mon portrait est paru dans Inked Society la veille. La plupart concernent des projets de tatouages, et mon agenda s'est déjà rempli sur les six prochains mois. J'ai gagné douze mille followers d'un coup, et Kiera commence à me parler d'embaucher un Community Manager. J'y réfléchis sérieusement, car la situation devient difficile pour elle. Elle passe plus de temps sur mes réseaux qu'à tatouer, et ce n'est pas le but de son apprentissage.
J'entends la porte s'ouvrir, et May entre dans la cuisine. Ses joues sont rosies par le froid, et ses cheveux sont emmêlés dans son écharpe. J'ai envie de la serrer contre moi.
— Salut.
Elle m'adresse un sourire, et le sang pulse dans mes oreilles.
— Salut Birdy, réponds-je d'une voix sourde en posant mon téléphone sur la table, incapable de me rappeler le contenu du dernier mail que j'ai lu.
— Comment doit-on s'habiller pour un match de MMA ? me demande-t-elle en déroulant son écharpe de son cou.
— Tu es très bien comme ça, tu n'as pas besoin de te changer.
Elle porte un jean moulant dans lequel elle a rentré un petit pull fin et des baskets blanches.
— Je ne dois pas mettre une tenue de cheerleaders pour acclamer notre champion ?
— J'adorerais te voir dans une tenue de cheerleaders. Mais je ne suis pas certain que Bull soit un grand fan de ce genre de chose.
Elle rougit et cache ses mains dans les manches de son pull.
— Alex est là ?
— Pas encore, tu le connais.
Elle acquiesce et s'installe en face de moi.
Depuis ce qu'il s'est passé au salon, elle est distante. Elle ne vient plus me rejoindre dans ma chambre, et nos soirées me manquent. Je me demande si je n'ai pas tout fait foirer en me jetant sur elle lundi soir. J'avais l'impression qu'elle en avait envie au moins autant que moi. Que c'était même elle qui avait fait le premier pas. Mais plus les jours passent et plus j'en doute.
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South End
RomanceMay ne rêve que d'une chose : retrouver son frère à Boston dès la fin de ses études. Alors lorsqu'une opportunité de stage s'offre à elle dans le génie biomédical, elle est confrontée à un problème de taille. Impossible de se loger dans cette ville...