May
Finn est d'origine irlandaise. Il organise des soirées sur ce thème chaque trimestre. Il dit que c'est pour « rendre hommage à ses ancêtres ». En réalité, je crois plutôt que c'est l'occasion de faire un remake de la St Patrick trois fois dans l'année.
Le pub est bondé, j'arrive à peine à circuler entre les corps qui se pressent. Un groupe de musique celtique enflamme la scène, et la bière coule à flots. L'équipe est au complet. Ana et Finn sont au bar, tandis qu'Eddy et moi sommes en salle. Jonas, en cuisine, est aidé par deux serveurs en extras, et je pense sincèrement qu'on aurait pu être deux fois plus nombreux pour servir la centaine de personnes présentes ici.
J'ai chaud. Ma peau est moite à force de courir d'un bout à l'autre du bar en tenant en équilibre des litres de bière sur un plateau. Mon tshirt, lui, et humide de l'alcool que je renverse dès que quelqu'un me bouscule.
Finn est complètement dans son élément. Les commandes s'enchaînent dans un timing parfait, il sourit et paraît aussi détendu que d'habitude, malgré le vent de folie qui souffle ici.
Je le rejoins pour lui donner la prochaine commande et il me tend un verre d'eau.
— C'est l'heure de ta pause. Dix minutes.
Le vacarme du violon et des guitares nous empêche de discuter plus que ça, alors je le remercie et pose mon plateau. Mon patron est le gars le plus scrupuleux des lois que je connaisse. Même si nous sommes complètement débordés, jamais il ne demandera à ses employés de ne pas prendre de repos ou de faire des heures supplémentaires. Il regarde sa montre toutes les dix minutes, et à l'emploi du temps de tous ses salariés d'encré dans la tête. Il sait exactement à quel horaire chacun doit finir son service et faire une pause. Ce mec est plus précis qu'une badgeuse.
J'avale mon verre d'une traite et me dirige vers le fond du bar, à la recherche de la table où j'ai vu mon frère quelques minutes plus tôt. Je m'affale à côté de lui et salue Bull d'un geste de la main en soupirant.
— La vache, il y a du monde ce soir, constate Alex en haussant la voix pour que je le comprenne.
J'acquiesce en montrant la foule.
— Quand tu travailles dans ces conditions, ça ne sert plus à rien de faire du sport. Ça développe ton cardio, et tu finis en sueur et essoufflée. Et tu peux même te défendre avec tes jambes et tes poings pour qu'on ne te marche pas dessus. Tu devrais essayer Bull.
La concernant hausse un sourcil en me dévisageant.
— Je crois que personne ici n'a envie que je fasse du service.
— Si tu apprenais à sourire, tu serais sans doute un bon barman.
— Bull ne connait pas ce mot, en rajoute mon frère. « Sourire » ? C'est en rapport avec les souris, c'est ça ?
Je ris à sa blague navrante. Il paraît que je suis bon public.
— James non plus ne sourit pas beaucoup, argue Bull en avalant une gorgée de sa bière hebdomadaire.
— Ça dépend du contexte. Avec nous, je le trouve plutôt détendu, le défends-je sans trop savoir pour quoi.
— Attends, je me suis arrêté au moment où vous ignoriez. Qu'est-ce que tu connais de son sourire ?
Oh. Je crois que le moment est venu de lui dire. Je me redresse en grimaçant, et repousse une de mes boucles derrière mon oreille. J'ai déjà trop tardé, et il faut que je prenne garde à ne pas m'enliser dans mes mensonges.
— On s'entend bien maintenant. Je pense qu'on pourrait devenir amis.
Alex fait les gros yeux en passant les doigts dans ses cheveux blonds. Je remercie le groupe de rock de jouer aussi fort ce qui limite grandement nos échanges.
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South End
DragosteMay ne rêve que d'une chose : retrouver son frère à Boston dès la fin de ses études. Alors lorsqu'une opportunité de stage s'offre à elle dans le génie biomédical, elle est confrontée à un problème de taille. Impossible de se loger dans cette ville...