Chapitre 21 - James

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James

Je regrette d'avoir contacté Daisy à l'instant même où je la vois trottiner vers ma voiture, perchée sur ses hauts talons. La pluie martèle violemment mon pare-brise : ce soir, le ciel s'exprime pour moi. Je suis contrarié, perdu, en colère, et sur le coup, lui envoyer un texto m'a paru être une bonne idée. Grossière erreur.

Pourquoi diable May a-t-elle pris ses jambes à son cou de cette manière ? Est-ce que j'ai fait quelque chose ? Est-ce qu'elle a eu peur ? De moi, du tatouage ? Est-ce qu'elle a remarqué l'effet qu'elle me fait, et en a déduit que je devais être un queutard, ou même un pervers ?

Daisy ouvre la portière en m'arrachant à mes réflexions et referme son énorme parapluie avant de se glisser sur le siège passager.

— James ! Ça fait un bail, s'exclame-t-elle de sa voix mélodieuse.

Ses lèvres peintes en rouge s'étirent sur sa dentition parfaite, puis elle me colle un baiser sur la joue.

— Ouais, excuse-moi de t'avoir dérangé.

— Ce n'est rien, je n'avais rien d'autre de plus intéressant à faire. Où est-ce que tu m'emmènes ?

— Où tu voudras, mais avant, j'aimerais passer me changer. Ça ne te dérange pas ?

Elle répond par la négative et je prends la route pour South End. J'ai besoin d'oublier cette soirée, et utiliser l'eau pour tenter d'effacer mes souvenirs avant de les dissoudre dans l'alcool me paraît être un bon choix.

— Alors, pourquoi tu voulais me voir ? ne peut-elle s'empêcher de me questionner, trop curieuse.

— Je te raconterais tout autour d'un verre, promis-je. Mais après, je veux que tu me changes les idées.

— Tes désirs sont des ordres, playboy.

Quel surnom de merde. Si j'avais connu Daisy dans d'autres circonstances, je l'aurais sans doute détestée. Coucher avec elle a été une des pires expériences de mon existence. Mais au moment où ça s'est produit, je n'étais plus capable de savoir ce que j'aimais, ni même qui j'étais. Ma vie ressemblait à un énorme trou noir, où l'alcool tenait une place prépondérante.

En plus, elle n'est vraiment pas mon genre. Les grandes perches sans un gramme de volupté à embrasser ne sont pas mon type. Daisy pourrait être mannequin, elle l'a d'ailleurs été à la fin de son adolescence. Je préfère les femmes avec un je ne sais quoi en plus.

Elle comble la discussion comme elle sait le faire pendant tout le trajet, en me parlant de son travail, de ses rencontres, de ses voyages, de ses achats. Et je l'écoute à peine. Elle en est consciente, mais continue de jacasser.

Je connais Daisy, et je sais que ce n'est pas par vanité, ni par égocentrisme qu'elle converse de cette manière. Mais c'est sa façon à elle de me remonter le moral. Elle essaye par tous les moyens de faire disparaître mes idées noires, et elle espère que noyer mon cerveau avec une tonne d'informations aidera.

Lorsqu'on se gare en face de la maison, j'ai un moment de doute. May doit être rentrée. Et si je la trouvais assise dans la cuisine, devant un bol de céréales ? Est-ce que je devrais lui présenter la femme qui m'accompagne ? M'excuser ? Lui demander quel est ce putain de problème qui l'a poussé à rentrer sous des trombes d'eau de nuit plutôt que de m'ordonner d'arrêter ?

Daisy perçoit mon trouble et m'encourage en me frottant doucement le dos, et je déverrouille la porte pour constater son absence.

— Il n'y a toujours pas de place pour moi dans votre coloc ? se renseigne-t-elle lorsque nous montons l'escalier.

South EndOù les histoires vivent. Découvrez maintenant