Chapitre 58

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9 heures 40. Newcastle. Australie. 

4 mois plus tôt

...Swan...

Un hurlement s'échappe de ma bouche, mais il est englouti par le silence. Personne ne m'entend. Ma tête est maintenue sous l'eau, et mes poumons crient pour une bouffée d'air. J'essaie de résister à l'envie instinctive de respirer, car je sais que si je cède, ce seront des litres d'eau que je vais avaler. La pression sur ma tête disparaît soudainement, et je respire d'un seul coup, comme si je revenais à la vie. Je m'effondre sur le sol, haletante, mes vêtements collés à ma peau trempée. Un goût amer dans ma bouche, mes yeux fixant Derek avec un mélange de haine et d'épuisement.

Cet enfoiré qui partage chaque minute de ma vie. Chaque seconde de ma journée.

- On reprend, dit-il, imperturbable. Tu t'appelles comment ?

Je tousse violemment, crachant l'eau qui brûle encore ma gorge. Je le déteste, cet homme qui semble n'avoir aucune limite. Mon corps tremble, épuisé, et mes nerfs sont à vif. Je lève la tête pour croiser son regard, un mélange d'arrogance et de froideur.

- C'est vraiment nécessaire, soufflai-je d'une voix rauque. Si je te croisais dans la rue, je ne te donnerais même pas mon nom, sale rat.

Il esquisse un sourire à peine perceptible. Depuis quelques jours, "les choses sérieuses" avaient commencé, comme il aime le dire. La transition. Le conditionnement. J'aurais dû poser plus de questions à Rhys, exiger de savoir ce qu'il avait en tête. Si j'avais su ce qui m'attendait, j'aurais imposé des conditions, pris des précautions. Mais maintenant, c'est trop tard. Swan Miller n'existe plus. Je n'ai plus de papiers, plus d'identité. Je suis un fantôme, coincée dans cette nouvelle vie qu'on m'impose.

Derek, ce sadique qui semble prendre un malin plaisir à me briser, faisait partie des forces spéciales de l'armée américaine. Je l'ai appris dès le premier jour, et ses méthodes en témoignent. La bienveillance ne fait pas partie de son vocabulaire. Ses techniques sont brutales, impitoyables. Comme aujourd'hui.

- Oui, c'est nécessaire, rétorque-t-il d'une voix ferme, mais calme. Toutes tes anciennes habitudes doivent disparaître. La torture permet d'effacer les détails plus efficacement que tu ne le crois. Crois-moi, je sais de quoi je parle.

La torture pour oublier. Quel genre de monstre pense à ça ? Il aurait dû devenir psy pour enfants, tiens.

- Toi, tu as des choses à oublier, lui lançai-je avec un sourire amer. Ton reflet, peut-être ?

Un éclair de colère traverse ses yeux, mais il reste impassible, ses traits fermement contrôlés.

- Très drôle, Jade, réplique-t-il en se penchant légèrement vers moi, ses mains sur ses hanches. Tu veux refaire un tour dans la cuve ?

Mon cœur se serre à cette menace. La cuve, cet endroit où il me plonge régulièrement, où l'air devient une denrée rare, et la peur, une compagne permanente. 

-  Non, je ne veux pas, finis-je par dire, mes mots aussi tranchants que je peux les rendre, bien que ma voix trahisse une pointe de peur.

Il acquiesce d'un signe de tête, satisfait. Derek sait exactement où frapper pour obtenir ce qu'il veut, il a appris à connaître mes faiblesses. Et moi, je sais que chaque nouvelle cicatrice, chaque nouvelle blessure que je subirai sous ses mains, est un pas de plus vers l'effacement de Swan. Vers la naissance de Jade.

- Tu me remercieras un jour, dit-il avec un calme presque troublant.

- Peut-être, ou peut-être jamais, répondis-je, incapable de masquer l'amertume dans ma voix.

NightHawkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant