Chapitre 3
En s'endormant ce soir-là, tous deux avaient placé mille d'espoirs dans leur réveil. Hayden aspirait à retrouver sa vie de célébrité dans l'état exact où il l'avait laissé tandis que Cassie espérait ne plus ressentir cette boule au ventre qui lui rappelait le départ de Isaac. Néanmoins, ce matin-là, à leurs grands regrets, aucune de ces espérances ne se réalisa.
Lorsqu'elle ouvrit les yeux, Cassie n'en revenait pas d'avoir réussi à sortir Isaac de sa vie. Grâce à Hayden, elle avait trouvé la force de tourner la page. Ce garçon qui avait débarqué dans sa vie depuis quelques heures seulement avait déjà chamboulé une grande partie de son existence. Reconnaissante envers lui, elle était à présent déterminée à l'aider du mieux qu'elle le pourrait.
— 7H00 ! Ho, non, je suis en retard ! s'écria-t-elle après avoir jeté un coup d'œil à son réveil.
Avec précipitation, elle sauta hors de son lit et atterrit en contrebas sur le canapé où dormait Hayden, ce qui le réveilla brutalement :
— Hein ? Qu'est-ce qui se passe ? Mais il fait encore nuit ! remarqua celui-ci en jetant un coup d'œil à la fenêtre.
Le jour était à peine levé. Il était tôt, trop tôt surtout pour lui qui n'était pas matinal.
— Tu as fait la fermeture du café et tu fais aussi l'ouverture ?
— Je n'y travaille plus. Hier, je remplaçais juste Jenna, lui répondit Cassie en courant se préparer dans la salle de bain.
— Ha, s'étonna-t-il confus en réalisant n'avoir aucune idée de ce qu'elle faisait dans la vie.
Il ne lui avait rien demandé à son sujet ce qui rendit la situation un brin embarrassante. Il savait qu'elle s'appelait Cassie... C'est tout du moins le nom qu'il avait vu sur le badge qu'elle portait au café. Cet oubli n'était pas un signe d'égoïsme, Hayden avait l'habitude depuis longtemps que les gens se présentent d'eux-mêmes à lui ce qui ne l'empêcha pas de regretter de ne pas lui avoir porté plus d'attention. Au vu des événements qu'il avait traversés, il n'en avait pas fait sa priorité. À cette pensée il réalisa amèrement qu'il était toujours ici bien qu'il ne put y réfléchir davantage face aux remontrances de Cassie :
— Habille-toi ne me mets pas plus en retard que je ne le suis !
Hayden fit la moue, s'étant imaginé qu'elle lui aurait permis de rester ici pendant qu'elle irait travailler, mais après tout il ne pouvait lui en vouloir ; ils se connaissaient à peine.
Hayden se prépara aussi vite qu'il le put. Pas assez vite apparemment, Cassie trouva hallucinant le fait qu'il passe plus de dix minutes dans la salle de bain pour un tel résultat et ne se gêna pas pour lui faire la remarquer. Hayden qui mettait en temps normal plus d'une demi-heure pour coiffer avec l'aide d'une professionnelle en fut plutôt amusé.
Quinze minutes plus tard, ils rentrèrent au pas de course dans le métro. Hayden se demanda qu'elle pouvait bien être leur destination, mais la rame dans laquelle ils s'étaient faufilés était tellement bondé qu'ils furent contraints de voyager loin l'un de l'autre ce qui l'empêcha de se renseigner sur le sujet. Dans le wagon, Hayden se sentait étouffé, bien qu'habitué aux bains de foule, le fait d'en avoir vécu plusieurs ayant tourné à l'émeute lui avait donné une phobie qu'il maîtrisait difficilement. À son grand soulagement, ils descendirent à la seconde station.
En rejoignant la sortie, il ne put s'empêcher de ressentir un pincement au cœur en croisant un jeune homme de son âge qui chantait et jouait de la guitare.
Hayden ne savait jouer d'aucun instrument. Il avait essayé d'apprendre, mais sa patience étant limitée il n'avait pas tenu une semaine avant de laisser tomber.
Personne ne chante dans le métro sans instrument, réalisa-t-il dépité en comprenant que cette option lui était impossible et même dans le cas contraire il ne s'imaginait pas avoir le courage de faire une telle chose.
Hayden se retrouva dans une gigantesque maison comme il était habitué à en fréquenter. En voyant accourir deux petites filles probablement jumelles, tant leur ressemblance était frappante, il comprit que Cassie était chargée de les garder et de les conduire à l'école. Celles-ci d'abord timides à son encontre, tombèrent rapidement en admiration face à ses tatouages.
Elles l'adoptèrent facilement, et il prit plaisir à être avec elles, même si le fait qu'elles lui tirent ses chevaux le fit quelque peu changer d'avis. Cassie trouva cela très touchant, lorsqu'elle avait présenté Isaac aux filles, celles-ci n'avaient pas eu ce comportement avec lui.
Ils conduisirent les petites à l'école, puis Cassie lui expliqua avoir cours jusqu'à 15h. Elle lui proposa alors de la rejoindre au café à ce moment-là, en lui promettant de l'aider du mieux qu'elle pourrait. Il accepta sa proposition même s'il savait qu'elle ne pourrait en rien résoudre son problème.
* * *
Une fois seul, Hayden réalisa ne rien avoir à faire de la journée. C'était une première. Depuis ses 16 ans, on lui assignait un planning surchargé qui programmait ses moindres faits et gestes sur plusieurs mois. À présent, il n'avait plus rien. Pour aujourd'hui, demain et tous les jours à venir.
Perdu, il déambula dans les rues new-yorkaises une grande partie de la matinée et finit par s'asseoir sur un banc, pour observer les passants qui vaquaient à leurs occupations.
À ses yeux, ils étaient tous semblables, pas un ne ressortait du lot, personne n'était qui que ce soit... Ils se contentaient d'exister, point final. Comment pouvaient-ils être heureux de cette façon ? Il s'imagina leur vie avec facilité : métro, boulot, dodo, une existence se répétant en boucle. Ce genre de vie lui paraissait d'un ennui incroyable, il ne comprenait pas comment il était possible de s'en tenir à cela et de manquer à ce point d'ambition.
Mais, pour lui le pire restait la manière dont les gens le percevaient : personne ne le remarquait, il semblait transparent, pas un paparazzi, pas un fan, pas un regard curieux. Il avait tellement l'habitude de baigner dans cette agitation qu'il eut à mainte reprise le pressentiment d'être suivie: une impression familière sans doute trop ancrée en lui pour disparaître.
Refusant de rester ainsi plus longtemps, il prit la direction de Central Park et marcha le long d'une rue surplombant le zoo. D'où il se trouvait, il pouvait percevoir en contrebas, un groupe d'écoliers criant après des singes dans le but d'obtenir un peu de spectacles. Comme un air de déjà vu, cette scène lui rappela étrangement sa vie : lui aussi était observé en permanence, lui aussi se faisait crier après. Comme à ces animaux, on demandait à lui et à son groupe de faire tout un tas de choses qui devaient paraître spontanées. Régulièrement on les rappelait à l'ordre pour qu'ils sourient davantage ou qu'ils fassent semblant de s'amuser comme des ados de seize ans insouciants qu'ils n'étaient plus et qu'ils dans le fond n'avaient jamais été à cause des responsabilités qui pesaient sur leurs épaules.
— Il n'y a rien qui me rende plus triste qu'une saloperie de zoo lança-t-il sans que personne ne lui prête attention.
Sa vie était loin d'être aussi idyllique que les apparences le laissaient croire, mais, n'ayant rien connu d'autre, il s'y accrochait et y tenait plus que tout.
Hayden parcourut le parc de long en large tout l'après-midi, se contentant d'acheter pour calmer sa faim un hot-dog avec le peu d'argent qu'il lui restait. Si son bonheur n'avait jamais reposé sur sa situation financière confortable, celle-ci avait fait de l'argent la dernière de ses préoccupations. À présent, avec ces quelques dollars en poche cet aspect était devenu une obsession.
Contrairement à sa situation financière autour de lui rien n'avait changé : les fleurs, les arbres, cette odeur urbaine étaient exactement les mêmes pourtant un étrange sentiment le persuadait qu'il n'avait pas sa place ici. Ne plus exister aux yeux des autres le condamnerait tôt ou tard à disparaître. Face à cette terrible vérité, il se laissa submerger par le chagrin. Lui qui jusque-là s'était persuadé qu'il se réveillerait tôt ou tard de ce cauchemar devait bien admettre que ce monde dans lequel il avait atterri était plus réel que jamais.
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Toutes ces étoiles entre nous (intégral)
RomancePop star à la carrière prometteuse, Hayden se retrouve du jour au lendemain dans un monde qui ignore tout de lui... Pensant avoir tout perdu, le jeune homme n'espère qu'une chose : rentrer chez lui. Lorsqu'elle croise la route d'Hayden et lui prome...