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Chapitre 10 

Hayden laissa échapper un rire nerveux en entendant le prix aberrant qu'on venait de lui annoncer. Si la montre qu'il détenait possédait une valeur sentimentale importante, il n'en oubliait pas moins sa valeur monétaire absolument indécente.

— Regardez bien. Il s'agit d'une Hublot, édition limitée à 150 exemplaires. Elle vaut vingt fois plus que ce que vous venez de m'en proposer. Quatre cents dollars, franchement, me l'acheter à ce prix serait du vol !

Son interlocuteur qui jusqu'à présent avait porté exclusivement son attention sur le bijou en question releva la tête vers Hayden et le dévisagea avec suspicion :

— Du vol ? Je me demande bien qui est le voleur dans cette affaire. Estimiez-vous heureux que je ne vous demande pas comment cette pièce de collection a pu bien atterrir à votre poignet tatoué !

Hayden s'exaspéra au point d'envisager de renoncer de faire affaire avec ce type qui ne lui inspirait que mépris.

— Quatre cents dollars, réitéra l'homme. D'autant plus qu'elle est gravée, ce qui ne facilitera pas sa revente.

Il rendit la montre à Hayden qui la fit glisser lentement entre ses doigts. En retournant l'objet, son regard se figea sur l'inscription qui y figurait au dos. « 08/06/01 ». Une date qui fit resurgir dans son esprit des souvenirs qu'il s'était juré de ne jamais oublier.

L'achat de ce bijou remontait au tout début de sa carrière, lorsque le groupe avait signé son premier contrat. Leur audition retransmise à la télévision sous la forme d'une télé-réalité, les avait surexposés médiatiquement si bien qu'ils avaient réussi à négocier avec leur future maison de disque un accord plus qu'avantageux pour les gamins inexpérimentés qu'ils étaient. Avantageux, l'expression était tout de même relative puisque leur contrat les soumettait à de nombreuses obligations comme production d'un album par an qui allait les engager dans une tournée qui s'éterniserait une grande partie de l'année. En contrepartie de ces contraintes qu'ils avaient interprétées à l'époque comme la concrétisation de leurs rêves, un pourcentage acceptable de ce que tout le groupe allait reporter leur était destiné.

Si leurs cachets furent versés progressivement, on leur avança dès la signature une somme importante qui aux yeux des gosses qu'ils étaient représentait quelque chose d'inimaginablement colossale.

En voyant cette somme transiter sur chacun de leur compte, Braxton un des membres du tout nouveau groupe qu'il formait avait suggéré de marquer le coup en achetant quelque chose de symbolique. Entraîné par l'euphorie du moment, chacun d'entre eux avait accepté de claquer quinze mille dollars dans une montre. Pas n'importe laquelle, un bijou désigné par P. Diddy en personne. Hayden n'aimait pas vraiment le rap, mais son ambition le poussait à imaginer une carrière semblable à ce rappeur : faire de la musique dans un groupe, puis enchaîner sur une carrière solo et finir ses vieux jours à produire des artistes et faire du business dans de multiples domaines.

Ce jour-là, son ambition brilla d'une lumière aveuglante qui éclipsa sa raison ainsi que cette jolie somme qu'il venait de lui bomber du ciel. Si son argent fut définitivement perdu au profit de ce bijou futile, sa raison lui revint en pleine face aussi violemment qu'une gifle le jour où sa mère apprit la nouvelle. S'il ne savait plus dans quelle ville il avait acheté sa montre, jamais il n'avait oublié le regard atterré de sa mère. Celle-ci ne sut de quelle manière punir son fils. Habituellement elle le privait de sortie, une punition adaptée à un adolescent de dix-sept ans, néanmoins, bien que ce n'était que le commencement, Hayden n'était déjà plus un adolescent normal de dix-sept ans. Son fils partait en tournée le lendemain et elle savait qu'elle n'avait plus d'autres choix que de prier pour que l'éducation qu'elle lui avait inculpée jusque-là suffise à le faire traverser sans encombre cette nouvelle vie qui s'offrait à lui.

Toutes ces étoiles entre nous (intégral)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant