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Cassie conduisit Hayden dans les bois. Si l'endroit n'avait dans le fond guère d'importance pour effectuer ce qu'elle s'apprêtait à faire, elle savait que les arbres lui procureraient la concentration dont elle aurait besoin.

— C'est quoi cette planche que tu trimbales ? Ne me dis pas qu'il s'agit de ce genre de choses qu'on utilise pour parler aux morts. On ne va pas faire ça hein ? s'inquiéta Hayden.

Sans réponse de sa part, il n'osa pas insister et se contenta de suivre Cassie qui avait accéléré le pas sous ses questions. Outre le ouija qu'elle tenait fermement entre ses mains, la pierre de lune alourdissait la poche de son manteau. Une partie d'elle voulait la jeter au fond de l'eau pour empêcher Hayden de partir, mais le lac était déjà loin derrière eux et Cassie se savait incapable d'un tel geste. Aussi silencieux qu'elle, Hayden éclairait leur chemin avec une puissante lampe de poche. Dans le sous-bois, ils ne voyaient pas grand-chose, mais, lorsque leurs marches débouchèrent dans une clairière, la lune dévoilée émettait une lumière comparable au lever du jour.

— Ici, ce sera très bien.

Bien qu'elle le dissimulât, Cassie n'était guère rassurée, mais ligotée par la promesse qu'elle lui avait faite, celle-ci ne pouvait plus reculer.

Ils se dirent au revoir, en s'enlaçant une dernière fois. Tandis que le cœur de Cassie se décomposer au fil des secondes, Hayden cherchait en vain quelque chose à lui dire, des mots qu'elle aurait pu garder comme ses dernières paroles.

« Dis-moi que tu m'aimes. Dis-moi que tu penseras à moi tous les soirs avant de t'endormir. Dis-le-moi... » l'implorait Cassie du regard.

Lui qui habituellement débordait d'assurance pour parler devant un public et qui brillait par sa réparti, se trouvait complètement désemparé par la situation. La plus triste et mélancolique des chansons n'auraient pu suffire à exprimer ses émotions. Faute de mieux, il se contenta de serrer Cassie contre lui un peu plus fort encore.

Tous deux restèrent à s'enlacer sans un mot. Puis, Hayden respira un grand coup pour se donner du courage et s'assit à même le sol, à l'endroit que lui indiqua Cassie. Elle prit place face à lui puis apposa le ouija entre eux.

— Merci d'avoir fait tout ça.

Cassie se mordit la lèvre « merci » étant la dernière chose qu'elle aurait voulu entendre de sa part.

— Restons concentrés, conclut-elle d'un ton neutre en s'appliquant à ne faire passer aucune émotion dans ce qu'elle venait de dire. Je veux que tu te concentres et que tu te remémores ton dernier souvenir. Rappelle-toi cette chambre d'hôtel quand laquelle tu t'es endormi avant de venir ici. La couleur des murs, l'odeur de la pièce, les bruits ambiants, remémore-toi tout dans le moindre détail. Fait comme si c'était réel, comme si tu n'étais jamais parti...

Hayden la fixa avec inquiétude, n'ayant jusque-là jamais imaginé devoir faire quoi que ce soit pour procéder à son départ.

— Tu peux le faire, laisses ton esprit te guider.

Hayden s'exécuta et Cassie n'eut aucun mal à le rejoindre dans ce souvenir qui n'appartenait qu'à lui.

* * *

Elle pouvait le voir au milieu de cette grande chambre d'hôtel. Assis sur le lit, se frottant les yeux, vêtu de la même façon que lorsqu'elle l'avait rencontré. Ses traits étaient tirés. Une marque fatigue, plus probablement un signe de sa tristesse. Hayden parcourait des yeux toutes ses valises entrouvertes étalées ici et là dans la pièce. « Une chambre d'hôtel de plus » devait-il se dire avec dépit. Il se leva ferma les rideaux ne supportant plus la lumière du jour et alluma la télévision pour contrer ce silence ambiant qui l'angoissait. Cassie regardait cette scène sans trop comprendre. Sans prendre la peine d'ôter ses habits, il s'allongea en boule dans le lit et elle le vit ses yeux se fermer après avoir avalé deux pilules.

Rares étaient ceux qui étaient témoin cette facette de sa vie, qu'Hayden lui-même refusait de reconnaitre. C'était le Hayden Howells que personne ne connaissait, celui qui doutait et se sentait inexorablement seul. Un Hayden écrasé par le poids des responsabilités qu'on faisait reposer sur ses épaules.

Avait-elle raison de l'envoyer là-bas ? Cassie ne l'avait jamais vu aussi malheureux que dans cette vision, pourtant, elle n'avait pas le choix. Elle se rattrapa à l'espoir que son séjour ici l'ai changé et qu'il trouverait une Cassie dans son monde qui saura prendre soin de lui... Elle l'espérait de tout cœur.

La pierre de lune face à elle se mit à briller. Les étoiles au-dessus d'eux vacillaient comme la flamme d'une bougie. Ces lumières quittèrent un instant le ciel pour grimper sur Hayden. Des picotements lui parcoururent son corps qui s'allégea progressivement.

Comme si la gravité n'avait plus aucune incidence sur lui. Lourd et léger à la fois, Hayden sentit son corps se détacher de lui tandis qu'il fut attiré par le ciel. Comme déchiré de l'intérieur, une partie de son âme, celle qui ne vivait que pour Cassie, refusait de le suive là où elle ne serait pas.

Le voyant s'écrouler au sol, Cassie se précipita sur lui regrettant ce qu'elle venait de faire. Il était inconscient. Elle l'embrassa de toutes ses forces espérant le faire revenir. Les sortilèges ne se brisent-ils pas par un baiser ? se demanda-t-elle dans un maigre espoir. Mais leur histoire n'avait rien d'un conte de fées et déjà le corps sans vie d'Hayden se refroidissait. Cassie laissa éclater son chagrin.

Refusant de l'abandonner, elle se pressa contre lui espérait pouvoir lui transmettre sa chaleur. Pour que tout redevienne comme avant, pour que le cœur d'Hayden reparte, que ses yeux s'ouvrent et que son sourire éblouisse à nouveau sa vie.

Malheureusement, Hayden était déjà loin, quelque part entre deux mondes, l'endroit n'avait rien d'un tunnel de lumière comme il se l'était imaginé, mais ressemblait à une longue jetée entourée d'eau. Ne pensant qu'à Cassie, il avança avec détermination persuadée de la retrouver dans son monde. Le vent soufflait face à lui, comme pour lui rappeler que ce qu'il faisait était contre nature. Peut-être que ce chemin n'était conçu que pour voyager que dans un sens, mais Hayden s'en moquait puisque les paroles de Carmen ne quittaient pas sa mémoire :

« Peu importe si on nous montre un chemin, nos choix nous appartiennent, personne ne peut nous empêcher d'avancer dans la direction que nous voulons. »

C'est ainsi qu'Hayden traça sa propre route vers la gloire et la célébrité.

Et qu'il redevint Hayden Howells...


Toutes ces étoiles entre nous (intégral)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant