Toutes ces étoiles entre nous (intégral)

30.

Derrière la fenêtre, Cassie observait le paysage qui s'égayait au fil des semaines de couleurs printanières. À demeurer constamment recluse dans sa chambre, Cassie n'avait aucune idée du nombre de jours qui s'étaient écoulés depuis le départ d'Hayden. Son esprit demeurait embrumé par les médicaments aussi puissants qu'abrutissants que sa mère veillait à lui faire avaler quotidiennement. La fatigue, le surmenage, sa rupture difficile avec Isaac furent des prétextes tout trouvés pour justifier sa rechute. À chaque fois qu'elle ouvrait les yeux, son regard ne pouvait se dérober des quatre murs roses de sa chambre, cette couleur omniprésente lui donnait l'impression d'étouffer. Médecins, psys, familles : ses rares visiteurs s'acharnaient à lui faire croire qu'Hayden n'était qu'une illusion.

Comprenant que toutes les vérités qu'elle portait en elle ne faisaient que la desservir, Cassie se résolut à leur avouer qu'ils avaient raison. À trop s'enfoncer dans ce mensonge, elle se mit à jouer un rôle tout comme elle imaginait Hayden le faire dans son monde. Il lui avait avoué le faire depuis bien longtemps, pour survivre au stress, à la pression et au vide de sa vie. Contrairement à ce qu'il lui avait laissé croire, Cassie avait vite réalisé que ce n'était pas facile. Être une fille normale lui semblait contre nature. Incapable de jouer ce rôle à plein temps, elle s'enfermait dans sa chambre la plupart du temps afin d'être pour quelques heures celle qu'elle était vraiment : cette fille qui pleurait en pensant à ce garçon qu'elle aimait et qu'elle ne reverrait jamais.

Chaque soir, elle se remémorait tous les moments qu'ils avaient passés ensemble. Elle s'échappait de la réalité, se réfugiant dans ces souvenirs pour ne pas les oublier.

Oublier leur histoire, douter de la réalité de ses moments passés avec lui et perdre Hayden à jamais...

Cassie tremblait à cette idée.

Il ne le fallait pas. Jamais. Quel qu'en soit le prix.

Son obsession se propagea jusque dans ses rêves. Une nuit, l'un d'entre eux lui parut plus réel que jamais.

Hayden était sur scène, un micro à la main faisant le show comme personne sur une musique entrainante puis brusquement la lumière des projecteurs s'étaient éteints tout comme le sourire sur ses lèvres. Dans cette obscurité, Hayden n'avait plus à faire semblant, d'un pas pressé sans faire attention aux acclamations de la foule, il rejoignit les coulisses, se réfugiant entre deux grosses caisses de matériels techniques pour fumer un joint. De sa main tremblante, il amenait la cigarette à ses lèvres et inspira profondément espérant contrer ce mal-être qu'il ne comprenait pas.

À son réveil, Cassie se sentit désemparée. Était-ce un rêve ou une vision comme elle en avait déjà eu de lui ? Portée par ce qu'elle venait de vivre, celle-ci se leva et elle sortit en douce hors de la maison. La douceur de l'air nocturne étonna Cassie qui se rappela que le printemps touchait à sa fin. Le paysage verdoyant autour d'elle ne ressemblait en rien à ce qu'Hayden en avait vu. Comme si le monde qu'ils avaient partagé n'existait plus.

Effondrée, Cassie tourna son regard vers le ciel : au-dessus d'elle la pleine lune brillait à en faire de l'ombre aux étoiles. Si la plupart étaient invisibles, certaines d'entre elles résistaient à son emprise.

Alors qu'elle errait dans l'allée faisait face à la maison, un craquement étrange résonna sous ses pas. Ce bruit n'avait rien à voir avec celui d'une branche d'arbre qui se brise, c'était quelque chose de plus résistant, plus dur comme du plastique. Dans l'obscurité, Cassie mit quelques secondes avant de réaliser qu'il s'agissait de sa cassette audio de Tony Baker. Elle n'avait pas bougé de l'endroit ou Hayden l'avait jeté. Comment était-ce possible ? Tout le reste avait repris sa place. Comme si Hayden n'était jamais venu... « Tout est possible, il suffit d'y croire » le message de sa grand-mère lui revint en tête.