Chapitre 10 : Anne

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Le nouveau blondinet qui vient d’arriver est trop mignon, entre son
sourire et ses yeux, c’est un mélange entre passion et élégance, il a la perfection dans le sang ! Bon, il est un peu maladroit quand même, parce qu'arriver comme ça, sans vêtements… Mais ce n’est qu’un détail après tout. Nous étions tous assis sagement en tailleur autour de lui, le bombardant de questions hors sujets, du style ; tu aimes le lait ? Ou encore ; tu dors avec des chaussettes, toi la nuit ? Évidemment,
quand je dis “nous”, je parle des filles parce qu'eux, les garçons, le regardent juste avec méfiance et mépris. Comme s'il était méchant, n’importe quoi, comment une si jolie personne pourrait être méchante, pfff…
Il s'appelait Adrien, avait 16 ans, et venait des régions lyonnaises. Le copain idéal ! Bon, je m’emballe un peu, je le connais juste depuis quelques heures :

-Les garçons font la tête ou quoi ? Me dit Livia…

-Non, je crois qu’ils font plutôt des duels de regards avec Adrien, s’exclama Gaël…

Et elle n'avait pas tort, vu les fusillades diaboliques de regards qu’ils lui lançaient, Adrien n'était pas très à l'aise, ce qui se comprend.
Je decida de me lever et d’aller me dégourdir un peu les jambes, ça fait déjà une bonne heure que j’étais assise par terre et honnêtement le goudron et les pierres ce n’est pas ce qu’il a de plus confortable…
Et puis je repense à Mathieu, tout est allé si vite, sa chute, les affolements et les larmes. Mais la vie continue, enfin pas pour tout le monde…il me reste dans la bouche ce goût de nostalgie. J’ai constaté ce ciel de nuit. C'était la pleine lune, son cercle parfaitement symétrique rayonne dans le soir, même les étoiles ne sont rien comparées à sa lumière. Sa sombre clarté me redonne un peu d’espoir dans cette dure réalité que nous surmontons. L’air s'engouffre dans mes cheveux bouclés, j’aime cette sensation de liberté.
J'alla m'installer sous un arbre solitaire, qui à mon avis ne refuserait pas un peu de ma compagnie. Il faisait paraître la mort, l'anxiété et la peur à travers ses branches dénudées. Je m’assis donc
contre son tronc, je pris une grande inspiration puis expira tout doucement, c’est bon, je respire mieux. Je tourna ma tête vers le tronc de l’arbre, il est très abîmé, on croirait même qu’il a brûlé.
Je sortis alors de ma poche un petit couteau suisse que j’avais emprunté
à mon frère avant ce massacre. Je commença à graver sur l'écorce;

Mais il ne faut pas que tu désespères.
Perds pas espoir.
Promis juré qu'on la vivra notre putain de belle histoire,
Ce seront plus des mensonges.
Quelque chose de grand,
Qui sauve la vie, qui trompe la mort, qui déglingue enfin le blizzard…

J'étais en train d’incruster la dernière lettre dans le bois quand tout se mis à vibrer, assez fort pour que je perdis l'équilibre. Je fis l'effort de me relever et de m’agripper au buste de l’arbre en espérant qu’il soit plus résistant qu’il en est l’air. J’étais terrorisée, je ferma les yeux, si fort jusqu'à voir des couleurs. Je perçus des cris au loin, je priais pour que tout finisse bien. J’aimerais une fin heureuse, rien qu’une fois…
Des larmes jaillir de mes yeux. J’entendis un craquement venant d’en haut. Je distingua une grosse branche,
fissurée, qui allait me tomber dessus. Si je lâche, je risque de m’écrouler et de vraiment me blesser, et vu que nous avons peu de soins, je risque gros. Mais si je reste là, bien agrippé à mon copain, l'arbre carbonisé, je finirais assommer ou même tué…
Une plume bleue vint tâter le bout de mon nez, elle était si douce qu’elle pourrait appartenir à l'aile d’un ange, pourtant elle m’est familière, je suis persuadé de l’avoir déjà vu…
Mais oui ! Elle était là juste avant que Mathieu ne s'effondre du toit !
Je n'ai pas le temps de réfléchir encore que la branche ceda et me tomba dessus, des larmes de sang me dégoulinent à présent sur le visage…

LA PLUME BLEUEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant