Chapitre 28 : Hugo

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C'était à présent définitif, Adrien et Miriam nous avaient quittés pour rejoindre les leurs... Leur décision avait été brutale pour nous, mais compréhensible. Il fallait qu'ils sachent ce qu'étaient devenus leurs amis. La dernière phrase qu'Adrien avait criée me tracassait...

Évidemment, je l'avais compris, il insinuait clairement que nos âmes se retrouveraient une fois à avoir quitté nos corps engourdis par ce mal-être permanent, qu'était infligé de rester en vie dans ce monde détruit. Malheureusement, une partie de nous était déjà mort et enterrée... Mais je ne voulais pas y croire, je priais au fond de moi qu'il reste un tantinet d'espoir...

Je continuais à réfléchir tristement sur ce rocher, qui commençait à bien me connaître quand tout a coup, comme sortie de nulle part, Cursy fit apparition...

 Ses cheveux blond platine lui descendaient en cascade jusqu'au bas du dos, ses yeux étaient si bleus que l'on aurait pu se noyer dedans, la petite robe marine que lui avait conçue Gaël à partir des anciens rideaux d'une des salles de science, lui allait à ravir. Mais son teint grisâtre montrait qu'elle n'avait pas la forme...

Elle me prit délicatement la main et entrelaça ses petits doigts tout froids et fragiles entre les miens, un long frisson me parcourut entièrement. Je considérais cette petite comme ma petite sœur, elle avait une grande importance pour moi. Je l'a fit alors monter sur mes genoux et l'enlaça fort contre moi, pour la réchauffer le plus possible, car il faisait un froid glacial, et que nos vêtements étaient maintenant usés et inappropriés au capricieux changement climatique. 

Je la serrais si fort que j'aurais dû entendre les battements de son petit cœur fébrile, mais à mon grand étonnement, rien. Je vérifia en posant deux de mes doigts sur son pou, et, après certitude, je relâcha la pression que mes bras porté sur elle. Cursy me fixait lourdement du regard, comme pour me dire " y a-t-il un problème ? " Alors je lui souffla, la voix basse et calme : 

- Cursy, tu n'as pas de cœur ?

Elle me fixa, longuement, elle ne savait pas parler, mais en un unique regard elle pouvait tout dire... Cependant, je pouvais toujours nier son œillade... Elle ne bougeait point jusqu'à que je sentis, son corps, trembler à tout rompre, ses yeux devinrent blanc, puis rouge écarlate... Je la regarda, elle convulsait ... 

Horrifié par ce spectacle, je pris de la distance et recula de plusieurs pas... Elle finit par s'arrêter net, puis se releva sans que ses pieds ne touchent terre... Elle était différente et avait tant changé que je ne pouvais à peine la reconnaître.

Elle faisait plus mûre, donner l'impression d'avoir une dizaine d'année, la totalité de ses cheveux était devenu bleu, son teint blanc très pale, et les yeux rouges... Je me rappella soudainement que, lors de la première fois que je l'avais trouvé coincé sous les débris, j'avais eu une vision, qui commençait de plus en plus à me revenir... Je l'avais vu, elle avait la même apparence. J'essayais de comprendre puis d'une voix affectueuse, je dis :

- Cursy ?

Rien, elle ne bougeait plus, ne parlait pas, elle était comme pour délaisser morte. Elle me fixait de ses yeux devenu sanguin, était-ce toujours Cursy ? Avant même de comprendre ce qui se passait, j'ai vu cette fille ; ce démon, se jeter sur moi puis... Quelque chose d'inattendu se déroula.

"Je vis Raphaël, tombant par terre, un cri puis deux, son visage horrifié, ses yeux remplis de terreur devant... Moi ? Je tenais une fourmi dans les mains, des petites mains fines, de jeunes filles apparemment. J'appuyais doucement, puis de plus en plus fort sur l'insecte en regardant Raphaël souffrir, j'entendais le craquement de ses os, je le voyais se tordre de douleur. Et je ne comprenais pas, cela m'amusait ? Je crois qu'après tout ce qu'on avait vécu depuis le début, malgré les centaines de corps après le tremblement de terre, après la mort de Julien, de Mathieu et d'Anne, le spectacle d'horreur qui s'étendait sous mes yeux était la pire chose que je n'eus jamais vue. Son corps devint rouge, violet puis bleu, je vis ses yeux explosant comme si lui et la fourmi étaient reliés. Combien de temps son corps allait-il tenir ? Je ne contrôlais pas, je ne contrôlais plus. Je pouvais juste observer.... Je me vis ensuite traînant le corps de Julien jusqu'à la mer. Plein de sang, je me rinça les mains dans l'eau avant de les fourrer dans mes poches et de courir à l'intérieur du bâtiment. C'est là que je me vis, moi-même : Hugo, les bras tendus, un sourire bienveillant scotché sur mon visage. "

Je revins dans le monde réel. Cursy m'avait montré, tout le mal qu'elle avait causé depuis le début... J'étais dans le déni, comment une petite chose aussi fragile pouvait être ainsi ? Quelle sorte de malédiction s'était abattue sur nos vies ? 

La nouvelle Cursy se tenait devant moi puis je compris... Je compris que derrière son sourire innocent, se cachait le vrai démon, celle qu'on croyait protéger de la menace était en fait la cause de nos problèmes. C'était elle et elle seule qui nous avait gâché la vie. Si elle pouvait tuer les gens, pourquoi ne pourrait-elle pas créer une fin du monde ? 

J'éprouva à cet instant une haine si intense qu'elle dépassa ma terreur, certes j'étais terrifié, mais je la haïssais, elle avait tout gâché, tout détruit. Ma vie, notre vie, reposait entre ses mains et dorénavant, elle lui appartenait entièrement... Elle s'amusait avec nous comme de vulgaires pantins de bois. Vivre était la dernière chose que nous maîtrisions entièrement et elle, elle pouvait nous l'enlever à tout moment, comme si c'était un jeu. 

Je la détestais pour toutes ces raisons. Je savais ce qu'il fallait faire, dès que les autres l'apprendront, ils n'hésiteront pas. Pourtant moi si, je ne pouvais pas et je ne voulais pas la tuer, ça m'était impossible. Je la regarda un long moment et finis par lui dire :

- Ton secret sera bien gardé, ne t'en fais pas !

Elle acquiesça et se transforma en la gentille petite Cursy blonde platine, qui revint me prendre la main. Mais ce n'était plus pareil, rien ne sera jamais plus comme avant, je m'en rendais enfin compte, le bonheur n'existe pas vraiment, que par de rares moments auxquels on se raccroche sans cesse. Ce sont ses rares moments qui nous font autant tenir à la vie, mais c'est seulement une simple illusion...

LA PLUME BLEUEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant