Chapitre 21 : Livia

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J'avais comme l'impression d'avoir déjà vécu cette scène un million de fois...

 Avec cette voie coincée dans ma tête qui me rabaisse et me souffle constamment des mots tout bas. Celles qui me font douter ou me convainquent de faire des choses à contre-volonté, qui me dit des mots qui restent, blessent ou que je regrette d'avoir entendu, ou plutôt dis... Car cette voie, c'est moi qui lui donne vit, c'est notre voix intérieure, notre conscience... Et là maintenant, elle me disait: "Encore un...". Malheureusement, encore un de nos amis, les yeux fermés, la bouche légèrement entrouverte, du sang dégoulinant un peu partout sur son corps qui flottait à la surface de la mer, qui, elle, était trop foncée, trop profonde pour y apercevoir le fond... 

C'était Cursy qui était venu précipitamment tirer le bout du tee-shirt de Hugo pour nous prévenir. Quelle pauvre petite, elle en avait les larmes aux yeux et la goutte au nez, sanglotant doucement. Hugo l'avait enlacé contre lui pour la rassurer, même si lui-même avait besoin en ce moment de deuil et de réconfort. 

Choqués de ce spectacle atroce, nous nous étions placés à quelques pas de son corps démembré et maintenant gorgé d'eau... Certains de nous, comme Léa et Gaël, pleuraient à chaudes larmes, le visage dans les mains, pour éviter de revoir, ne serait-ce qu'une seconde, Raphaël dans cet état. 

Aaron avait le visage fermé, les bras croisés et le regard posé sur ses pieds. Hugo et Mike versaient quelques petites larmes, qui glissaient doucement le long de leurs joues, le regard dans le vide, une sorte de prise de conscience ou justement, ils devaient avoir du mal à réaliser la situation qui était juste sous leurs nez... 

Moi, je reniflais silencieusement... Quelque chose clochait dans l'histoire. De quelle manière était-il décédé ? Il n'y avait pourtant ni eu de séisme, ni d'inondation, ni de grosse tempête... Je ne pouvais m'empêcher de penser que Cursy était mêlé à sa mort tragique. Cette petite blonde est louche depuis le début.

Mike me sortit de mes pensées en passant de haut en bas sa main devant mon visage :

-Je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moment choisi pour rêvasser... Me sourit-il gentiment.

Je me plongea un court instant dans le marron de ses yeux. Alors un souvenir me vint en tête. Le soir où je me suis réveillé au creux de ses bras, ses lèvres s'apprêtant à toucher les miennes, son odeur qui frôlait mon corps, tout me semblait magique près de lui... 

Je crois que j'étais amoureuse malgré moi... Mais franchement, le moment était mal choisi pour avoir des sentiments pour quelqu'un. En dépit de cette fin du monde, je ne cesse de penser à lui, à nous, tout en me demandant si ce n'est pas réciproque. Je refuse tout de même d'en parler à qui que ce soit, je voudrais essayer de faire taire ce sentiment, si dangereux que plaisant pour n'importe qui. Je sais que ça n'allait pas être facile, sachant que nous pourrions tous mourir à n'importe quel moment, et donc risquer d'avoir des regrets.

Nous retournions tous à l'intérieur, rejoignant Adrien et Myriam, préférant rester éloignés l'un de l'autre et de nous. Je pense qu'ils ne vont pas tarder à retourner à Lyon. C'est vrai qu'ici, tout se dégrade de plus en plus vite, nous y compris. Nous continuons toutefois nos tâches, toutes importantes pour notre survie.

LA PLUME BLEUEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant