Chapitre 22 : Gaël

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Cela faisait maintenant deux jours que Raphaël était parti dans un monde bien moins douloureux que le nôtre, cela faisait six jours que Julien y était aussi, huit jours pour Anne et seize pour Mathieu...

Tenir le compte est important pour moi, c'est une façon de me rassurer en me disant qu'ils voient peut-être qu'on pense à eux. Je me demandais comment c'était la mort. Certains disent que c'est comme s'endormir pour une longue nuit dont on ne se réveillera jamais... Mais comme on cite, "L'âme ne respire qu'à notre mort..."

Je m'étais réveillé assez tôt, car la faucheuse tracassait mon esprit... Je pris place sur un rocher au milieu du béton encore humidifié par la nuit qui, comme chaque matin, laissait sa place au soleil. Je profitais maintenant de ce tête-à-tête avec l'aube qui sortait doucement de l'obscurité. L'immense horizon orangé était si vaste que je me demandais si un jour, on en verrait le bout, le bout de ce qui reste du monde.

Je respirais l'air qui se réchauffait doucement, faisant virevolter mes cheveux. Les premiers rayons caressaient mon visage encore légèrement endormi... Je prenais soin de profiter de ce moment de solitude, sans penser au désordre commis ces trois dernières semaines. On s'en remettait petit à petit, les quinze premiers jours avaient été les plus longs et les plus durs. Maintenant, je pourrais presque dire que nous sommes habitués.

Nous nous sommes organisés, les tâches à faire, les corvées, comment réagir dans les cas d'alertes... Le lundi et le jeudi, Lea et Aaron s'occupaient des repas pendant que Livia et Mike se chargeaient des tâches quotidiennes tandis qu'Hugo et moi, nous occupions des lessives. Nous alternions ainsi selon les jours. Mais l'ambiance était tendue depuis le décès de Raphaël, tout le monde était un peu sur les nerfs disons...

C'est pour ça que ce matin, j'avais ce rendez-vous avec moi-même, un moment où je respirais vraiment depuis le début, où je pouvais pleurer sans avoir peur que l'on me voie... Je pouvais être moi, sans jouer un rôle perpétuellement, sans cacher mes émotions et mes ressentis...

Soudainement, j'entendis un reniflement venant de derrière, je me retourna très rapidement et constata que Hugo était posé un peu plus loin, admirant aussi ce spectacle plein de couleurs qui se répandait dans le ciel, il n'avait pas l'air d'avoir constaté ma présence. Je m'approcha alors tout en douceur, et vins lui murmurer au creux de l'oreille :

-Que fais-tu ici si tôt ?

Il sursauta légèrement, et d'un mouvement brusque, tourna la tête, les yeux écarquillés. Puis il me répondit :

-Je pourrais te poser la même question...

J'avais besoin d'un moment de réconfort et de solitude... Voilà mon alibi

-Ça se tient... Sourit-il vaguement.

Il me tourna alors le dos et continua d'admirer le lever du jour... Je vins alors m'asseoir à côté de lui, me rapprochant le plus possible. Un silence régnait, quand il chuchota :

-Ça te manque toi ? La vie de famille ? Est ce que toi aussi, tu te remémores ta vie d'avant ? Te dire que tu aurais dû leurs rappeler chaque jour que tu les aimes de tout ton cœur... Mais malheureusement, c'est trop tard et que tu ne pourras jamais revenir en arrière, ne serait ce qu'une seule fois...

Sur ses mots, il se recroquevilla sur lui-même, la tête dans ses genoux et se mit sûrement à larmoyer. Puis, il répliqua en se relevant d'un coup sec :

-J'ai l'impression que c'est le mauvais temps dans ma vie, depuis que tout a chamboulé, il pleut à l'intérieur de moi continuellement, j'ai besoin de soleil...

Il remit ensuite son visage triste dans ses mains pour éviter que je puisse le voir dans cet état.

-Moi, j'aime la pluie, je la préfère au beau temps, car, mon beau temps, c'est la pluie. Et tu sais pourquoi j'y préfère ? Parce que moi, j'ai déjà un soleil...

Sur ce, il leva la tête, me regarda avec insistance, cherchant à déchiffrer ma phrase... Je détourna alors le regard vers le sol, il se redressa puis, me relevant le visage, se rapprocha de moi. Quelques centimètres nous séparaient, je pouvais donc entendre les battements de son cœur se coordonner au mien, qui commençait à être très rapide. Il me dit alors doucement :

-Et alors, qui est donc ton soleil ?

Une personne vraiment incroyable, qui m'aide à survivre à ce cauchemar éveillé, avec qui je partage les corvées et les épreuves... Cette personne m'aide à oublier et à surmonter la difficulté, tout en s'occupant d'une petite qu'il connaît à peine.

Un léger sourire caché apparut sur son visage, tandis que ses yeux brillaient en me regardant :

- J'espérais que tu me dises ça, faire les tâches ménagères est la seule excuse que j'ai trouvée pour passer du temps avec toi. Ce soleil qui me manque dont je te parlais, c'est toi... j'ai besoin de toi pour me sentir bien...

Je n'en revenais pas, Hugo m'aimait lui aussi, on était fait pour être ensemble ! C'était le moment, nos lèvres se rapprochèrent, le coucher du soleil ajoutait une touche de romantisme, on allait s'embrasser... Mais Cursy arriva et gâcha notre chance. On partit alors avec elle, un peu gênée.

LA PLUME BLEUEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant