Chapitre 46

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Le Chevalier retira rapidement son casque noir ébène. Ses pupilles encore rouges balayaient le champ de bataille désormais silencieux. Le sol était couvert de litres de sang dans lesquels ses pieds trempaient et de centaines de corps sans vie. Il se tenait là à regarder au loin, juste pour reprendre son souffle. Il en avait cruellement besoin après avoir profité de cette attaque pour se défouler. Cela faisait des semaines entières qu'il n'avaient rien ou faire de mieux que s'énerver brièvement contre les cinq conseillers qui rendaient la tâche que lui avait confiée sa Majesté, bien plus compliqué qu'elle ne l'était déjà. Cela ne devait être que de l'agacement mais il ressentait bien plus que de l'agacement. Son cœur était constamment lourd de la possibilité de perdre sa Reine aussi simplement. Son cerveau et sa tête étaient eux constamment remplis des horribles images que lui avait laissé Hayra et de toutes celles qu'il avait lui-même expérimentées pendant ses trois longues semaines de captivité. Elle était presque trop lourde et pourtant pas assez remplie puisque le Chevalier faisait cauchemar sur cauchemars, parfois sur un passé plus lointain qu'un autre mais ils étaient tous particulièrement effrayants et préoccupants.

Il en venait à douter de la véracité de ses souvenirs heureux. Il était submergé par sa situation et par tout ce qu'il se refusait catégoriquement d'exprimer. Il ne disait rien. Il n'avait rien dit à personne sur sa soudaine capacité à se régénérer ou le développement de sa magie. Il expérimentait seul, à l'abri des regards ou dans des situations où était trop rapide et brouillonne pour que qui que ce soit ne remarque ses étranges comportements. Il était moins patient, plus violent et constamment en colère. Ça commençait à lentement le ronger mais encore une fois il ne disait rien. Il se contentait d'agir sur les champs de bataille qu'il partageait avec tous les soldats qu'il avait sous les ordres, et les soldats de Hémérac. Il se contentait d'agir aussi violemment qu'il le souhaitait puisqu'ici personne ne le lui reprocherait.

Ici, il devait impérativement être un démon.

Il le savait et l'avait promis à Hayra.

Ici, il sera ce qui effraiera assez le continent pour que personne ne s'approche de près ou de loin du précieux royaume de sa Reine. Il allait être assez effrayant qu'il le fallait, au risque de se perdre et de s'empiffrer de bien trop de sang pour ressentir un jour du manque. Dans sa main droite, l'épée de sang tentait d'aspirer de ce qu'elle pouvait. Un petit filet rouge s'épenchait lentement de la lame.

Son court instant de factice sérénité fut interrompu par les bottes d'un soldat qui le rejoignit rapidement.

-Mon Chevalier ! Entendit-il.

Il se tourna lentement et regarda le soldat le rejoindre à toute vitesse. Bien que l'homme courrait aussi vite que possible pour le rejoindre, le Chevalier ne semblait ressentir aucune once d'urgence. Il se contenta de rester là.

-Mon Chevalier... Reprit l'homme désormais essoufflé. Nous avons rassemblé les quelques survivants de l'ennemi. Que voulez-vous que nous en fassions ?

-Pas de prisonniers. Renvoyer juste l'un d'entre eux pour qu'il puisse conter ce qu'il a vu.

Le soldat hocha brièvement la tête.

-Bien mon Chevalier. Vous n'êtes pas blessé ? Tout va bien de votre côté ?

Henrickson força ses lèvres à s'étirer dans un petit sourire pour tenter de rassurer l'homme. Sa petite performance de Chevalier sympathique avec ses troupes uniquement avait parfaitement fonctionné. Ils lui étaient sympathiques en retour et il se félicitait d'avoir appris à se jouer du public. Il lui suffisait de sourire un petit peu de temps en temps et de participer à l'insignifiante camaraderie des soldats. Personne ne lui posait de questions trop personnelles puisqu'il savait garder une petite distance en plus d'être leur supérieur.

Un simple OracleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant