J'pars à fond, comme un dingue. J'sais même plus où j'vais, juste que j'ai besoin d'm'éloigner, d'faire taire tout c'bordel dans ma tête. La route défile sous mes roues, et mes pensées s'entrechoquent. Abir, son regard plein de peur, ses cris... Putain, j'ai tout gâché. J'voulais juste qu'elle comprenne, qu'elle sache que j'suis là pour elle, mais j'ai fait tout l'inverse.
J'roule jusqu'à ce qu'il y ait plus personne sur la route. J'finis par m'arrêter dans un parking désert, les mains tremblantes sur le volant. J'reste là, sans bouger, sans réfléchir, juste à fixer le vide. Le silence autour m'oppresse. Mes poings se serrent. J'sens la colère monter à nouveau, et j'frappe violemment contre le volant. Une fois, deux fois. Le klaxon résonne dans le parking vide, et j'me sens encore plus con.
Pourquoi j'suis comme ça ? J'me pose cette question depuis toujours. J'essaie d'me détacher de c'monde, d'lâcher la rue, mais ça m'reprend toujours. Même avec Abir, j'arrive pas à être le mec qu'elle mérite. J'l'ai blessée, encore une fois.
J'allume une clope, mes doigts tremblent toujours. Le goût amer m'rappelle à quel point j'suis paumé. Y a un moment où j'vais devoir affronter la vérité : j'suis toxique pour elle, pour moi-même. Mais j'arrive pas à m'faire à l'idée de la perdre, d'lâcher l'affaire.
Après un long moment, j'décide de retourner à la cité. Malik doit encore être là-bas avec les gars, et j'me dis qu'au moins eux, ils m'jugeront pas. Mais même cette idée me fait mal, parce que j'me rends compte que j'suis en train de replonger dans tout c'que j'ai voulu fuir. La rue, la magouille, la violence... J'suis coincé entre deux mondes, et j'arrive pas à choisir.
J'arrive à la cité, et comme d'hab, tout l'monde traîne dehors. Malik m'voit arriver et fait un signe de la tête.
« Eh, gros, t'as disparu t'as fait quoi ? T'es repassé voir ta meuf ou quoi ? » Il rigole, mais il voit direct que c'est pas l'moment.
J'lève les épaules, j'fais mine de rien. « Ouais... Ça s'est mal passé. »
Il arrête de rire et s'pose à côté de moi. « T'inquiète pas, frère, ça va s'arranger. Elle va revenir. »
Mais j'sais qu'il se trompe. Cette fois, y a rien qui va s'arranger. J'suis allé trop loin. Abir va plus jamais m'regarder pareil. Le mec, ses yeux effrayés... J'ai bousillé mes chances.
Les gars continuent de rire, de taper des barres, mais moi, j'suis ailleurs. J'me sens piégé dans ma propre vie, dans c'monde où j'ai grandi mais qui m'oppresse maintenant. J'vois plus d'issue, plus de chemin clair. J'veux rester ici, avec Malik, et tout oublier, mais j'veux aussi la revoir. J'veux m'battre pour elle, pour nous.
La nuit tombe, et j'me lève. « J'me barre. » Malik lève un sourcil, mais il dit rien. Il sait qu'quand j'pars comme ça, c'est qu'j'suis pas bien.
J'rentre chez moi, et l'appart me semble vide, mort. J'me pose sur l'canapé, et j'sors mon téléphone. Mon pouce flotte au-dessus de son numéro. J'ai envie d'l'appeler, d'm'excuser, d'lui dire que j'vais changer. Mais à quoi bon ? J'lui ai déjà dit tout ça, et ça a jamais rien changé.
J'pose le téléphone sur la table, et j'me prends la tête entre les mains. J'suis paumé. Et c'est là, dans ce silence lourd, qu'j'comprends enfin : j'peux plus continuer comme ça. Abir a été claire. Si j'reste le même, j'vais tout perdre. Mais pour changer, j'dois d'abord affronter c'que j'suis vraiment.
1 semaine plus tard...
Ce soir-là, c'était encore une soirée comme les autres. J'étais à fond dans mes affaires, ça tournait bien, et j'avais réussi à m'occuper assez pour pas penser à tout ce qui m'prend la tête. Abir, sa colère, son absence... Je me suis convaincu que lui rendre sa liberté, c'était le mieux. Elle mérite d'être tranquille, de plus avoir mes histoires dans sa vie. Mais bon, les pensées finissent toujours par revenir, même quand t'es occupé. Alors ce soir, je me suis dit, vas-y, soirée appart', on s'enjaille, j'me prends pas la tête.
Y'avait du monde, comme d'hab'. La musique à fond, des meufs, des potes, des verres qui tournent sans arrêt. J'étais là à rigoler avec Malik et d'autres gars, la tête un peu dans le brouillard, mais j'étais bien. J'avais ressorti mon ancien Snap, et y'avait plein de meufs qui revenaient dessus, ça me faisait marrer. C'est fou comment tout peut aller si vite dans ce monde-là.
À un moment, j'ai commencé à avoir grave la dalle, j'suis parti à la cuisine chercher un truc à bouffer. En entrant, j'vois un petit que j'connais un peu, un gars de la cité, il doit avoir 18-19 piges, il traîne avec une meuf. Il avait l'air un peu relou, mais j'me disais que c'était pas mes affaires. J'prends mon paquet de chips et j'me pose sur la terrasse pour manger tranquille.
Puis, j'les vois qui viennent sur la terrasse aussi, mais un peu à l'écart. J'étais pas vraiment en train de les mater, mais je capté vite que le petit devenait un peu trop insistant. Elle reculait, et lui il continuait, il essayait de l'embrasser alors qu'elle voulait pas. Y'avait quelque chose qui m'bouillonnait direct. J'ai toujours eu un problème avec ça. Même si moi, j'suis pas un saint, jamais de la vie je pourrais laisser un truc comme ça se passer sous mes yeux. C'est pas possible.
Je m'suis levé sans réfléchir, j'ai foncé vers eux, j'ai chopé le gars par le col direct. « Tu fais quoi, frère ? Elle t'a dit qu'elle voulait pas, laisse-la tranquille. »
Lui, il me regarde, il rigole nerveusement, « Wesh, c'est bon, c'est qu'une meuf, frère c'est une pute j'sais pas pourquoi elle fait la hlel. »
Là, j'me suis senti partir. Comment il peut parler comme ça ? J'lui mets un coup de poing dans la mâchoire direct.
« J'suis pas ton pote, déjà ! Et ensuite, ta mère la pute elle t'a pas éduqué ? Casse-toi d'ici avant que j't'encule, tu m'connais pas moi. » j'lui dit
Le petit il roule par terre, choqué, il se relève tant bien que mal et se tire sans demander son reste. Franchement, j'étais déjà assez dans la violence ces derniers temps, mais là, c'était obligé. Ce genre de gars, ils comprennent rien, c'est des animaux. Faut les remettre à leur place sinon ils s'arrêtent jamais.
La meuf, elle est en larmes. Elle me regarde, elle est choquée, elle sait pas quoi dire. Elle m'dit merci, mais j'vois qu'elle est gênée. J'la regarde, et j'lui dis :
« T'inquiète, tranquille. T'habites où ? Vas-y, j'te ramène chez toi si tu veux. »
Elle hésite, je sens qu'elle a peur, et j'la comprends grave. Après c'qui vient de s'passer, elle doit pas avoir confiance.
Je continue : « Si tu veux, j'appelle ma sœur. Elle habite pas loin, elle peut venir te chercher, comme ça t'es tranquille. »
Elle hoche la tête, elle prend un peu confiance. Elle refuse finalement et dit : « Non, dérange pas ta sœur, si tu peux me ramener, ça serait bien. »
J'accepte, bien sûr. Sur la route, j'lui parle un peu pour détendre l'atmosphère. « Sérieux, qu'est-ce que tu fous dans des soirées comme ça ? T'as l'air d'être une meuf tranquille, t'es pas obligée de traîner avec des gens comme nous. J'me compte dedans, hein. » Elle rigole un peu, mal à l'aise. Elle m'explique qu'elle est venue avec une copine, mais que cette copine est partie avec un gars en plein milieu de la soirée, sans prévenir, et qu'elle avait plus de batterie pour la joindre.
« Fais gaffe, sérieux. Ça peut vite dégénérer avec ce genre de monde. »
Elle acquiesce, elle semble réfléchir. Quand on arrive devant chez elle, elle me remercie encore, me dit qu'elle sait pas c'qui se serait passé si j'étais pas intervenu. J'lui fais un signe de la main et j'm'en vais.
Sur la route du retour, j'me repasse la scène dans la tête. C'est fou comme j'suis re- devenu un mec violent, et en même temps, j'me dis qu'au fond, y'avait pas le choix. Mais en vrai... en vrai, ce que j'voulais vraiment, c'était me sentir utile. Parce qu'au fond, j'me sens vide.