Chapitre 5

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Aujourd'hui, en arrivant au travail, je l'ai vu.

Le brun. Il était là, à sa table habituelle, comme si rien n'avait changé.
Un mélange de soulagement et de curiosité s'est emparé de moi.

Je l'avais pourtant encore en tête, mon inconnu qui avait déposé la boîte sur mon palier.

Mais maintenant qu'il est là, le brun, je me sens comme tirée dans deux directions.

Pendant que je prends les commandes et sers les clients, je ne peux m'empêcher de le regarder.

Aujourd'hui, je me permets de l'observer vraiment, sans m'esquiver quand il lève les yeux. Ses traits sont durs, marqués, mais incroyablement fascinants. Je remarque une petite cicatrice près de son œil. Elle est discrète, presque invisible, mais si l'on regarde bien, elle est là, ajoutant une profondeur à son regard déjà intense.

Ses yeux noisette sont légèrement cernés, ce qui lui donne un air grave, presque mystérieux. Sa peau bronzée contraste avec ses dents, d'un blanc parfait, alignées, impeccables. Son nez, droit, comme taillé dans la pierre, pourrait presque rappeler celui des statues grecques. Et puis, ses mains. Elles sont si grandes.

Soudain, je le vois au téléphone. Son visage est tendu, son ton est bas mais visiblement agacé.

Il gribouille quelque chose sur un bout de papier, des mots, des chiffres, un semblant d'adresse qu'il finit par rayer. Je le regarde, hypnotisée par ses gestes, quand il raccroche et se lève.

Comme toujours, il laisse un généreux pourboire : trente euros. Je suis presque habituée à ce geste maintenant, mais aujourd'hui, quelque chose m'attire vers ce bout de papier qu'il a laissé derrière lui.

Je débarrasse sa table comme d'habitude, mais cette fois, je prends soin de glisser le papier dans ma poche. De retour derrière le bar, je jette un coup d'œil rapide.



Mon cœur manque un battement.









L'écriture.







C'est celle des mots laissés avec les cadeaux de mon inconnu.



Je me fige un instant, le regard fixé sur le bout de papier.



Serait-ce possible ?



Une date, un numéro, quelques gribouillis, et cette adresse partielle qu'il a barrée.

Je relis encore et encore, essayant de faire le lien, de décoder quelque chose, n'importe quoi. Le choc initial fait place à une vague de questions.





Et si ...


Et si l'inconnu et le brun n'étaient qu'une seule et même personne ?

Mais pourquoi jouerait-il à ce jeu ?

Pourquoi viendrait-il ici, jour après jour, m'observer, me laisser ces indices sans jamais se révéler ?




Le reste de la journée, je suis distraite.

Chaque mouvement, chaque sourire aux clients est teinté de cette suspicion grandissante.

J'essaie d'imaginer la carrure du brun, de la superposer à celle de l'homme qui m'a laissée seule sur ce banc il y a des semaines.

Est-ce qu'il pourrait être l'un et l'autre ?

Je commence à refaire le film dans ma tête, à chercher des indices dans les détails.

Est-ce que les dates correspondent ?

Et ce regard intense, est-ce le même que celui qui me fixait à distance, sans que je ne sache vraiment pourquoi ?

Je passe le reste de la journée à m'interroger, une sensation étrange qui me noue l'estomac. Plus le temps passe, plus je suis tentée de croire à cette théorie.

Ce soir, en rentrant, je sais que je vais comparer ce papier aux autres mots que j'ai laissés chez moi.

Mais pour l'instant, je n'ai que mes questions pour me tenir compagnie. Et malgré cette frustration, une autre pensée me traverse. L'idée que, d'une manière ou d'une autre, il ait toujours été là, observant, m'attendant.

Est-ce que cela me fait peur ? Un peu.

Mais une part de moi est aussi intriguée, curieuse.

Finalement, je me demande si je veux vraiment connaître la réponse, ou si le mystère ne serait pas plus fascinant que la vérité elle-même...





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De voleur à loveur II : Abir storyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant