SAULE - 1 - Crépuscule sur la Chute

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— Ce serait bien plus pratique pour les reconnaître si l'un avait des ossements en rubis et l'autre en or, fit remarquer Saule avant d'engloutir une poignée de noix.

Acacia s'en étouffa.

— N'importe quoi ! Tu imagines la violence de la guerre si ça avait été le cas ? Il ne resterait plus rien de la région, tout aurait été ravagé.

Les jumeaux s'étaient juchés au sommet d'un énorme rocher couvert de lichen pour manger à l'écart de leur suite. De leur perchoir, ils avaient une vue imprenable sur la Chute.

— Ces tours de guet devront être démantelées, fit remarquer Acacia en pointant les silhouettes agressives qui hérissaient tout le pourtour de la zone. On fait mieux en matière de symbole de paix.

— J'en garderais bien une de chaque côté pour servir de relais pour les voyageurs, ou mieux ! Pour des messages entre nos deux royaumes.

— Bien vu ! J'adore cette idée !

— La moitié de ces tours est aubéenne, il faudra que tu en parles à ton fiancé, taquina Saule.

La plaisanterie ne fut pas du goût de sa sœur. Acacia se renfrogna et se décala pour lui présenter son dos. Saule la bouscula d'un coup d'épaule.

— Allez, n'as-tu donc pas hâte de les retrouver ? De découvrir de nouveaux horizons ? Je te croyais plus aventureuse.

Elle se retourna, le visage terriblement sérieux.

— Je suis désolée de voir plus loin que ce mois de « vacances ». Au cas où tu l'aurais oublié, notre mariage sera célébré à la fin.

Saule baissa la tête et gratta du bout des ongles le tapis de mousse sur lequel il était assis. Bien sûr que non, il ne l'avait pas oublié, mais puisqu'ils n'y pouvaient rien, autant profiter sans réserve de leurs derniers instants de liberté. C'était sa philosophie.

— Ça changera quoi de faire la tête et de râler à la moindre occasion ? Rien du tout, à part te rendre malheureuse. Alors, excuse-moi de rester positif.

Sa sœur soupira et s'allongea sur le rocher inconfortable.

— Oui, mais toi... tu vas épouser Béryl, dit-elle, les yeux perdus dans les nuages.

Saule se crispa.

— La jeune femme parfaite, tu veux dire ? Existe-t-il seulement une princesse plus princesse que cette princesse-là ? Elle pourrait être citée en exemple dans tous les manuels d'éducation destinés aux Altesses Royales.

Il émanait de la princesse aubéenne une telle aura de perfection et de pureté que l'approchait le tétanisait. Les tentatives de faire sa cour en avait été aussitôt inhibées, pourtant la séduction était un jeu auquel il avait toujours excellé. À la condition qu'il ait le choix de sa cible. Et homme ou femme, bien peu lui avaient résisté. Toutefois, se tenir aux côtés de Béryl lui rappelait douloureusement que lui n'était en rien l'héritier parfait dont la Couronne avait besoin.

Conte de l'Aube et du CrépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant