- 3 - Sauveur inespéré d'insupportables trivialités

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Le matin suivant, lorsque Saule sortit de sa chambre, il était rempli d'optimisme. Avoir écouté sa sœur se plaindre de Jaspe toute la soirée, de sa manière de la regarder, de lui parler ou de lui présenter son bras, n'avait fait qu'enflammer son envie de passer du temps avec le jeune homme. Il comptait bien tout mettre en œuvre pour mener à bien son dessein et rendre cette journée parfaite. Il s'avéra toutefois que le Sage Dragon Rubis en avait décidé autrement.

— Votre Altesse ? Puis-je vous parler ?

La voix timide qui le tira de ses pensées appartenait à l'un des soldats de garde à sa porte. Il avait encore un visage enfantin malgré l'ombre de moustache qui tentait de se frayer un chemin sous son nez. Il se nommait Tamaris. Saule se souvenait bien de lui, car la princesse Béryl avait chanté ses louanges avant de quitter leur royaume et lui avait recommandé de l'emmener avec lui lors de sa venue prochaine. Il n'avait pas compris ce brusque intérêt de sa fiancée pour le jeune homme. Un début d'idylle lui paraissait peu probable. Pourtant le soldat avait manifesté le plus vif enthousiasme à l'idée de faire partie de sa garde rapprochée pour le voyage. Par curiosité, Saule avait donc décidé de le tenir à l'œil.

— Qu'y a-t-il, Tamaris ?

— On a plusieurs problèmes, Votre Altesse. Olivier, Mimosa et Sumac ont dû trop manger de nourriture aubéenne. Leur estomac est pas habitué. Ils ont été malades toute la nuit, on les a envoyés à l'infirmerie tout à l'heure.

— Allons bon, j'espère qu'ils se remettront vite.

— Ce n'est pas tout, Votre Altesse...

Le jeune homme se balançait d'un pied sur l'autre, mal à l'aise. Il semblait que les annonces de mauvaises nouvelles n'étaient pas terminées.

— La maîtresse d'armes Nérine... elle, euh... elle a voulu remuer ceux qui étaient pas en poste, tôt ce matin avec un entraînement spécial. Et... euh... avec le froid, ça a été un festival de maladresse. Bouleau s'est tordu la cheville et Fougère s'est fait casser le nez. Ils sont aussi à l'infirmerie. Du coup... il nous manque des effectifs pour les rotations. Qu'est-ce qu'on doit faire ?

Le jeune homme le regardait avec confiance, attendant qu'il l'inonde de solutions. Saule soupira et passa une main dans ses cheveux. Qu'est-ce qu'il en savait ?

C'était sa mère qu'il devait remercier pour cette soudaine responsabilité. Avec les risques de troubles, elle avait préféré garder le capitaine des gardes au palais à Iridièn.

C'est toi qui seras responsable de votre escorte, lui avait-elle asséné. Peut-être que ça te mettra un peu de plomb dans la tête en tant qu'héritier de la Couronne.

Ce qu'il avait en ce moment dans la tête lui suffisait largement, merci bien. Il n'éprouvait aucun besoin d'y rajouter quoi que ce soit d'aussi pesant. Mais, là encore, on ne lui avait pas demandé son avis.

— Dresse-moi la liste des gardes en état de remplir leur devoir, dit-il. Nous verrons comment réorganiser les factions.

Conte de l'Aube et du CrépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant