Chapitre 4

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Peu importe les raisons, les saisons semblent ne pas s'écouler. Comme une horloge revenant à son point de départ, j'étais coincée dans le temps, attendant que mes piles s'usent un jour du rythme répétitif qu'était ma vie. Je pensais à tout ce temps perdu à me fondre dans mes pensées et à m'éloigner de la réalité, bien que je sois enfermée dans celles-ci, à l'heure où je parle.

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J'ai changé ma tenue plusieurs fois ce matin. Je n'aime pas comment je me sens à mon réveil. Je n'aime pas du tout à quoi je ressemble. Et chaque fois que je m'observe dans le miroir, je recherche le visage de quelqu'un d'autre, car je déteste cette personne que je suis devenue.

Malheureusement, quand je regarde toutes les cicatrices gravées sur ma peau et plus précisément celles qui barrent en large mon bas ventre, je me rends bien compte que je ne peux changer qui je suis. Physiquement en tout cas.

Je jette un œil par la fenêtre et observe la pluie qui tombe. Ma mémoire vogue instantanément vers ce soir de novembre où ma mère a trouvé la mort. Un souvenir horrible que j'aimerais enterrer à tout jamais. J'essayais de m'en échapper depuis mon réveil, de cette douleur, de ce froid qui entraînait des démangeaisons sur mon corps - encore plus puissantes à hauteur de mon poignet.

Assise à la cantine,  je sens subitement mon portable vibrer. Habituée à recevoir des notifications depuis peu, je l'ouvre et lis de Cardin qui inondait ma messagerie récemment vide: « Je m'ennuie au boulot. Qu'est-ce que tu fais ? » Accompagné d'un émoticône montrant un homme qui baille.

Je sourie amusée par sa bêtise et une voix reconnaissable par son accent italien vient perturber mon humeur :

- C'est la première fois que je te vois ainsi sourire, constate-t-elle. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Je ne réplique pas et me contente de ranger mon phone dans ma poche. Elle me toise un instant et sans ma permission, s'installe en face de moi.

- Je ne te voyais pas comme le type à bouffer de la viande, commente-t-elle en indiquant mon plat de sa fourchette.

Cette remarque me surprend et je la fixe comme pour lui demander, pourquoi ?

- Tu as une tête de végétarienne. Ne me demande pas pourquoi. Ma mère m'a toujours dit d'éviter de juger les autres à la première impression, mais cela m'est difficile. On ne change pas ce que l'on est, hausse-t-elle des épaules.

- Alors tu devrais arrêter, fais-je amère.

- Oui, je sais..., répond-elle gênée. Dit ça te dirait de...?

- Non, la coupé-je. 

Je n'avais aucune envie de me familiariser avec elle. Comment pouvait-elle continuer par chercher à me parler après toutes les remarques désagréables que j'ai bien pu lui lancer ?... Je ne la comprenais vraiment pas. Cependant, si elle ne dégageait pas rapidement, je continuerai, et ce que j'avais sur le cœur ne serait pas beau à dire.

Heureusement pour elle, une voix l'interpelle de loin et nous tournons la tête ensemble, pour découvrir son groupe d'amis à l'entrée.

- Je dois y aller, me dit-elle en se levant. On se reverra très bientôt.

Je ne la croyais pas si bien dire, étant donné que depuis ce jour où elle s'est assise à la cantine avec moi, sa persistance à mon égard a augmenté d'ampleur. J'ai par conséquent dû redoubler d'effort dans mes tentatives d'évitement. Voilà pourquoi, j'ai été obligé bien qu'on soit vendredi, de m'installer sur l'estrade du terrain de football, pour me nourrir d'une barre chocolatée.

Les problèmes qui nous attirentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant