Chapitre 1

363 20 11
                                    


Valentine avait cessé de faire les cent pas pour se poser sur le sable de la plage déserte, pourtant son agitation était telle qu'on l'aurait dit assis sur des oursins. Dire qu'il était inquiet eut été un euphémisme. N'y tenant plus, il se releva d'un bond et se remit à marcher de long en large. Son amant était en retard. Un quart d'heure, une demie heure passait encore, il n'était pas un modèle de ponctualité, mais deux heures ! Ça devenait très inquiétant, surtout là où il avait dû se rendre. Et si il lui était arrivé quelque chose ? Et si il était en danger ? Peut-être même mort ! Non, ça il le saurait et puis Poséidon avait beau être lunatique, il ne prendrait pas le risque de compromettre la paix, du moins pas sans couvrir ses arrières... C'était bien là le problème, les dieux avaient l'art de la tromperie... Ou pire encore... S'il le retenait captif pour le torturer à loisir... Dans ce cas, au diable le traité, il ira à son secours, et même s'il devait en mourir, il le libérera.

Le spectre secoua la tête pour chasser ces réflexions délirantes. Que son bien-aimé l'apprenne et il n'aurait pas fini de se foutre de lui. Mais c'était plus fort que Valentine, il ne pouvait s'empêcher de craindre le pire, d'autant plus que le dieu des mers avait exigé la présence de Kanon et que l'ex-dragon avait beau être parti avec un sourire qui se voulait rassurant, la Harpie avait bien senti l'anxiété, voire même la peur de celui-ci. Pourtant, si quelqu'un lui avait dit il y a encore quelques mois de cela, qu'il se serait fait autant de soucis pour un chevalier d'Athéna, l'imprudent ne s'en serait pas relevé. Mais maintenant, il ne s'imaginait plus vivre sans lui.

Dire que tout était parti d'une dispute avec Rhadamanthe. Comme à son habitude, lorsqu'il avait passé une mauvaise journée, son seigneur souhaita se détendre en s'adonnant aux plaisirs de la chair. Dévoué corps et âme au juge depuis des siècles, Valentine savait s'y prendre pour soulager les tensions de son maitre. Mais ce jour-là, ses compétences n'y suffirent pas, la partie s'annonçait musclée. La Harpie qui avait lui aussi passé une mauvaise journée, refusa de se laisser faire, ce qui eut pour effet d'irriter davantage son supérieur. Furieux, Rhadamanthe lui rappela les évènements du 18ème siècle. Blessé, Valentine quitta l'appartement en claquant la porte.

Le coeur lourd, il se retrouva sur une plage et n'entendit pas Kanon approcher. Sentant son trouble, le second Gémeaux resta près de lui. Après un long silence qui commençait à devenir pesant, le spectre finit par se confier. À la surprise de la Harpie, il l'écouta sans le juger alors que certains de ses propres compagnons d'armes murmuraient qu'il était la catin du Whyvern. Les imbéciles, comment pourraient-ils comprendre l'admiration et la dévotion nées dans le coeur de Valentine, modeste bouvier et tout jeune spectre, dès qu'il fut placé sous les ordres de ce noble roi, et combien elle fut longue et douloureuse cette dernière réincarnation loin de son modèle.

Alors qu'il regardait la mer, les pensées du spectre revinrent à son amour. Si ce n'était ce contentieux avec le dieu, de l'avis de Valentine, Kanon était fait pour servir Poséidon. Car il était comme l'océan, parfois calme et paisible, apportant sérénité à ceux qui le contemplait, mais aussi grondant et rugissant telles les déferlantes capable de faire chavirer les plus gros navires. Un sourire illumina le visage de la Harpie. Et surtout il était enfin de retour, songea-t-il avec soulagement. De retour furieux, certes, mais indemne. Le second Gémeaux sourit à son tour en voyant que son amant l'attendait toujours. Il lui cria tout de même avec colère.

- Eh bien, il la tient sa vengeance ! Ce maudit calamar avarié a trouvé le moyen de m'emmerder sans qu'Athéna n'ait à redire !
- Kanon ! S'exclama Valentine en frémissant. Tu parles d'un dieu tout de même ! Il pourrait t'entendre !
- T'inquiète, répliqua le Grec. Il sait déjà ce que je pense de son idée pourrie. Figures-toi qu'il exige que je rende mon écaille officiellement...
- Mais c'est normal tu es un chevalier d'Athéna, coupa le spectre qui ne comprenait pas pourquoi cela mettait son bien-aimé dans cet état et voulait l'apaiser.
- Oui, mais attend la suite. Il veut que je trouve et forme mon successeur.

La valse des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant