Chapitre 4

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Un, deux, trois jours, une semaine puis deux passèrent. Kanon venant chaque jour demandé pardon, implorer une réponse, une réaction. Se maudissant de n'avoir été qu'un faible, un  misérable. Guettant s'il lui était permis de vivre ou de mourir car il n'avait aucun doute que ce choix ne lui appartenait plus. Chaque fois, il restait des heures devant la porte close des appartements de Valentine n'obtenant pour toute réponse que cet écrasant silence qui lui broyait le coeur. Puis il repartait l'âme déchirée, plus mort que les êtres qui peuplaient le royaume d'Hadès.

De l'autre côté de la porte, Valentine restait muet et immobile dans le noir. Refusant de sortir de son appartement, refusant de voir qui que ce soit. Kanon voulait une réponse, mais il n'en avait pas. Depuis sa première tentative, la douleur du Gémeaux faisait écho à la sienne l'entraînant chaque jour un peu plus dans le néant. Le spectre avait tenté à plusieurs reprises d'analyser la situation objectivement, le chevalier était sincère dans son repentir, il le savait mais chaque fois la douleur le submergeait, douleur à laquelle se mêlait maintenant de la colère. Colère contre Kanon qui s'était laissé faire et y avait visiblement pris plaisir. Colère contre Rhadamanthe qui avait embrassé l'amour de sa vie. Et peut-être surtout colère contre lui-même qui ne s'était pas méfié malgré les nombreux avertissements du Gémeaux. Ce baiser le hantait, revenant sans cesse dans son esprit lorsqu'il pensait voir le bout du tunnel... Et ce sourire sournois qu'affichait le Whyvern lorsqu'il le regardait. L'attitude du juge était incompréhensible. Pourquoi ? Les choses étaient si simples et maintenant son univers s'était effondré... Pourquoi ? Il avait essayé, mais c'était toujours le vide qui lui répondait... Pourquoi ? Qu'aurait-il pu dire à Kanon alors que lui-même était perdu dans les ténèbres... En réalité, c'était lui qui était faible, indigne de l'amour du Grec.    

Pendant des semaines Kanon erra entre le sanctuaire et les enfers tel un zombie. C'était comme si une masse de chagrin, dont l'épicentre était Valentine, Kanon et Rhadamanthe s'était abattu sur ces deux lieux. Chacun d'eux s'était muré dans le silence et la solitude, et chacun de leur proche savait qu'ils en avaient besoin pour faire le point. Mais cela les minaient d'être impuissant face à la douleur de leurs parents et amis, alors ils reportaient leur soutien envers ceux qui se sentaient coupable et les plus impuissants, Morphée, Aphrodite, Minos et Eaque, mais aussi Shaka qui avait la lourde tâche de réconforter ses frères d'armes et son amant.

En apparence Rhadamanthe avait obtenu ce qu'il voulait, Valentine et Kanon étaient brisés, il aurait dû s'en réjouir. Pourtant lui aussi s'était enfermé, seul, chez lui à ruminer. Le Whyvern arpentait l'appartement vide à la rechercher d'une explication, d'une logique à son état. Il oscillait entre rage et désespoir, brisant ce qui lui tombait sous la main ou restant apathique durant des heures. Le baiser l'obsédait, pourquoi ? Ce n'était qu'un chevalier sans armure. Un chevalier qui ne le craignait pas, lui, le grand juge d'Hadès, qui sans armure justement lui avait tenu tête... Deux fois ! Qui lui avait tout pris ! Sa victoire, Valentine... Comment faisait-il le misérable... Ce n'était qu'un faible... Non ! Recommença l'insolente voix. Il est fort, plus fort que toi, reconnais-le ! C'est toi le faible ! Oui ce baiser l'obsédait, car s'il voulait être honnête, il devait bien reconnaître qu'il avait aimé ce baiser, qu'il aurait voulu allez plus loin. Si le Grec faisait aussi bien l'amour qu'il embrassait rien d'étonnant à ce que Valentine ait succombé.    

Valentine... Cela aussi l'obsédait, le regard du Chypriote lorsqu'il les avait vus, il le revoyait dès qu'il fermait les yeux. Rhadamanthe pensait son plan improvisé parfait. Le hasard semblait avoir tellement bien fait les choses, croiser Kanon avec Valentine comme témoin, une aubaine. Il n'avait pas prévu que la douleur dans le regard du spectre serait aussi forte, qu'elle lui broierait le coeur, lui ravagerait les entrailles. Pourquoi ? Pourquoi souffrait-il ainsi ? Ce n'était après tout qu'un serviteur... Un... Ami ?... Il l'avait cru jusqu'à l'avant-dernière guerre sainte. Il avait toujours cru que Valentine le comprenait, qu'il partageait ses convictions, mais il s'était trompé... La Harpie l'avait trahi... Au fond, quelle importance, ce n'était qu'un subalterne et il l'avait puni... Alors pourquoi ? Pourquoi souffrait-il ? Rhadamanthe voulait comprendre, il devait comprendre. Ses frères, son dieu... Et même ce fichu chevalier, tous disaient qu'il était amoureux de Valentine. L'était-il vraiment ? Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas éprouvé ce genre de sentiment qu'il avait sans doute oublié comment on faisait... Après tout, le juge avait vraiment aimé qu'une fois et son amour en avait choisi un autre. Avait-il aimé sa femme et ses enfants ? Oui sans doute, par convention mais ce n'était pas aussi fort que pour Milétos, mais lui aussi l'avait trahi en partant avec son frère Sarpédon... Et Valentine dans tout le cela ? Kanon l'avait qualifié de monstre d'égoïsme, peut-être était-ce vrai... Alors pourquoi ? Pourquoi souffrait-il autant ? Rhadamanthe devait comprendre peu importait le temps que cela prendrait, pour faire cesser le cyclone d'émotion qui ravageait son âme. Il devait comprendre pourquoi !

La valse des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant