Chapitre 19

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Appuyé sur le chambranle de la porte, Valentine regardait Kanon préparer ses bagages.

- Pourquoi faut-il que tu y ailles ? Le seigneur Hadès ne manque pourtant pas de spectres. Ce n'est pas à toi d'y aller.

Le second Gémeaux soupira en rangeant un pull dans son sac de voyage.

- Val, mon amour, on en a déjà parlé.
- Oui et je ne vois toujours pas en quoi tu es responsable du fait ce que ce soit un abruti fini.

De nouveau, le Grec soupira. Que pouvait-il ajouter de plus à leur discussion qui avait, une fois de plus, failli tourner à la dispute, surtout sans trahir ce qu'il avait vu ce fameux jour.

- Viens avec moi, tenta une nouvelle fois Kanon. Hadès m'a donné deux billets... Et en première classe en plus.

Cette fois, le Chypriote n'avait même pas pris la peine de répondre. Kanon lâcha un troisième soupir qui eut pour effet de chasser son amant de la chambre. Depuis son retour des enfers la veille au soir, les insultes proférées par le spectre à l'encontre du juge étaient descendues de niveau. Mais pour la réconciliation, ce n'était pas gagnée. En fait, même un simple cessez-le-feu n'allait pas être chose aisée. Le seul point positif aux yeux du chevalier était que si son amour de tête de mule refusait de l'accompagner, alors il y avait de grandes chances qu'il retrouve Rhadamanthe là-bas. Et Valentine avait beau prétendre le contraire, il connaissait bien le juge, piètre consolation pour l'ex-marina. Hadès, qui n'avait toujours pas digéré la proposition financière de sa nièce, avait fait les choses en grand. Il avait lui-même réservé les billets d'avion jusqu'à Newcastle, puis les places dans le train jusqu'à Carlisle. A la gare, une voiture de luxe était à leur disposition pour toute la durée de leur séjour, sans oublier la suite dans le meilleur hôtel de la ville. Finalement les rivalités divines pouvaient avoir du bon.

Kanon ferma son sac d'un geste rageur avant de sortir à son tour. Il aperçut Valentine accoudé sur la branche d'un olivier de leur jardin. Le spectre contemplait la mer lorsqu'il sentit son amant l'enlacer.

- Tu vas me manquer.
- Reste alors, tenta une dernière fois la Harpie.
- Je ne peux pas. J'ai fait une promesse... Je me suis fait une promesse. Mais toi, viens...  S'il te plait, acheva-t-il presque suppliant.
- Non.

Le chevalier dû s'avouer vaincu et embrassa longuement son aimé. Ses mains caressantes  semblaient vouloir mémoriser ce corps adoré qu'il connaissait pourtant par coeur. Kanon reprit son sac en volant un dernier baiser.

- Si tu changes d'avis ton billet est sur la commode de la chambre. Je viendrais te chercher à la gare de Carlisle.
- Prend soin de toi, répondit simplement Valentine qui ne voulait pas le voir partir fâché.

Il ne retourna à l'intérieur que lorsque Kanon fut hors de vue. Chassant d'un geste de la main ses regrets naissants, il se rendit dans la chambre pour se changer avant de rejoindre les enfers. Au moins à cette heure, il ne croisera personne de trop curieux. Alors qu'il ouvrait un tiroir de la commode, ses yeux tombèrent sur les billets d'avion et de train. Le spectre faillit les jeter. Cependant, il resta un instant à les regarder avant de les reposer là où il les avait eus.
Le Chypriote refusait de céder. Pourtant, il était incapable de s'en débarrasser. En fait, il connaissait même le déroulement du voyage par coeur. Six heures quarante-sept minutes de vol, Kanon arrivera à l'aéroport de Newcastle à 11h58. De là, il prendra un taxi jusqu'au restaurant gastronomique où Hadès lui avait réservé une table. Il aura largement le temps de déjeuner puisque son train partira à 14h24. Puis encore une heure trente-trois avant d'arriver à Carlisle, le temps de récupérer la voiture de location et de se rendre à l'hôtel, son Grec ne lui téléphonera pas avant 17h.

La valse des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant