Le premier ministre n'aimait pas spécialement les surprises. D'ordinaire, il composait avec – l'essence de la surprise impliquait une situation impossible à éviter –, mais cette fois il aurait adoré simplement la pousser dans un coin et faire comme si elle n'existait pas.
Les morts feraient mieux de le rester.
- Ça doit vous faire plaisir d'avoir accédé au pouvoir, n'est-ce pas ? lui demanda Charlyne.
Elle était entrée dans ce qui était autrefois son bureau sans toquer. Ses épaules étaient couvertes par une cape de chasseuse de prime, ce qui expliquait en partie comment elle s'était infiltrée dans le palais sans se faire reconnaître. Elle devait encore avoir certaines clés en sa possession.
Le premier ministre aurait dû comprendre, quand son corps avait disparu, que quelque chose se tramait.
- Ce n'était pas spécialement mon objectif, répondit-il calmement. Je peux savoir comment vous avez survécu au poison ?
L'ancienne reine Charlyne avait l'air en pleine santé. Sa peau était bronzée, ses joues plus rebondies que par le passé et ses cheveux courts soigneusement tressés à l'arrière de son crâne. Du peu qu'il voyait de son corps sous la cape, elle avait pris du muscle, elle qui n'avait jamais été sportive.
- On m'a aidée, éluda-t-elle. Est-ce que c'est vraiment important ?
- À tout hasard, cette aide en question ne viendrait-elle pas des laboratoires du Phoenix ?
Le premier ministre eut la satisfaction de voir Charlyne déstabilisée. Il avait vu juste, ce qui pour le coup n'était pas difficile.
- Comment vous le saviez ?
- C'est toujours eux.
Il se leva de sa chaise pour lui faire face. Elle avait beau être une grande femme, lui aussi avait hérité des gènes de hauteur.
- Pourquoi êtes vous revenue ? demanda-t-il. Vous venger ? Récupérer le trône ? Sans doute les deux.
- Les deux, confirma-t-elle. Vous êtes restés déjà bien trop longtemps au pouvoir de la Cité.
- Non, c'est plutôt le contraire. Vous ne vous rappelez pas ?
Le premier ministre plissa les yeux, plus amusé du tout. Il allait falloir mettre les points sur les i. Encore une fois.
- Les choses pour lesquelles je vous avais prévenue et où vous ne m'avez pas écouté, poursuivit-il. Ces choses qui m'ont poussé à me débarrasser de vous pour que le pouvoir tombe entre les mains de quelqu'un qui saurait en faire bon usage. Ça vous revient ?
- Vous avez définitivement une haute estime de vous, remarqua Charlyne. Non que je sois étonnée de ce constat.
- Je suis juste réaliste. De tous les chemins que vous pouviez emprunter, vous avez choisi le pire de tous. Ce n'est pas supposé être une fierté.
Il estimait avoir donné bien des chances à Charlyne, or elle n'avait jamais voulu lui faire confiance ou simplement l'écouter jusqu'au bout. À vouloir se différencier de sa mère, elle en avait oublié les priorités.
- Je compte bien récupérer le trône, l'ignora Charlyne. À ce moment là, votre carrière sera terminée. Ce sera à mon tour de vous enterrer.
- Mais ils ne vous laisseront pas faire.
- Les laboratoires ? Que je sache, personne ne m'a empêchée de revenir ici, plutôt l'inverse.
- Ils vous utilisent, conclut le premier ministre. Ça ne m'étonnerait pas qu'ils cherchent le pouvoir.
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