Chapitre 8 : Tu as ta réponse

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Chapitre 8 : Tu as ta réponse

Le lendemain matin je me réveillai tôt. Il n'était point question d'être en retard à la chasse !

Je demandai à la première femme de chambre que je vis de me monter un peu d'eau fraîche pour faire ma toilette.

Andromaque semblait étonnée de cette agitation matinale, elle s'étira avec paresse sur mon lit.

-Qu'y-a-t-il ? demanda Marie-Elsa encore à moitié assoupie.

-Rien ! Rendors-toi.

Elle ne se fit pas prier et tira l'édredon par-dessus sa tête.

J'enfilai l'unique robe d'amazone que j'avais, d'un violet doux. J'aimais les costumes d'amazone qui permettaient beaucoup plus de liberté par rapport aux lourdes robes de cour. Avant mon départ de Villandry mère avait veillé à me faire constituer un trousseau entier avec tout ce que l'on peut imaginer de robes et de souliers. Moi-même ne savais pas qu'il existait tant de façons différentes de se vêtir. Et dieu sait si l'apparence était chose importante à la cour !

- Elsa, murmurai-je à son oreille avant de sortir, es-tu... enfin aurais-tu aimé être aussi conviée à la chasse ?

Elle sourit et me regarda avec des yeux encore endormis.

- Tu sais la peur que j'ai des chevaux, tu sais la haine que j'ai des courtisans, tu sais l'amour que j'ai pour mon lit. Tu as ta réponse !

Je souris rassurée et m'enfuis vers les écuries de Madame. Je n'aurai point supporté qu'Elsa fût fâchée.

- Avez-vous besoin d'aide, me demanda un page.

- Oh ! Oui j'aurais besoin d'un cheval pour suivre la chasse du roi.

Le jeune homme d'une vingtaine d'années me scruta avant de revenir suivi d'une jolie jument couleur caramel. Je lui caressais le museau.

- Comment s'appelle-t-elle ?

- Vénus , répondit-il. Je souris. Je n'étais pas la seule à donner des noms présomptueux et pompeux à mes animaux.

Je le remerciai et me dirigeai vers l'endroit où commençait la chasse accompagnée de Louise de Keroual, une des demoiselles d'honneur de Madame. La vingtaine éclatante, des cheveux couleur d'ébène, des yeux clairs, un teint de lait, les traits réguliers, les lèvres rouges et les dents blanches comme des perles. Une véritable beauté. Une femme douce mais déterminée. Je voyais dans son regard une volonté de fer. Et ce qu'elle voulait, c'était le roi.

Madame ne participait point à la chasse car son mari avait cela en horreur aussi envoyait-elle souvent Louise pour la représenter. J'étais bien d'accord avec Monsieur. Voir des pauvres bêtes sans défense se faire massacrer devant mes yeux sans que j'y puisse rien faire serait pour moi une épreuve. Mais peut-on décliner l'invitation du roi Louis XIV ? Au demeurant je serais bien à l'arrière, je n'avais nullement l'intention de me faire remarquer à nouveau !

La chasse commença. Les forêts giboyeuses de Fontainebleau permettaient au roi de s'adonner à son sport favori. Il y excellait d'ailleurs, comme dans la plupart des choses qu'il entreprenait. Suivait la chasse Louise de La Vallière qui avait la réputation d'être une cavalière émérite malgré son boitillement, ce qui du temps de sa faveur, avait fort plu au roi. La Montespan, elle, n'était pas de ces parties, et j'étais assez fine pour ne point croire ceux qui disaient qu'elle n'aimait point la chasse. En vérité, elle se serait adonnée à n'importe quel passe-temps du moment que cela plut au roi et lui permit de voir et surtout –surtout !- d'être vue dans toute la magnificence qui la caractérisait. Non, la véritable raison de son absence était ailleurs. La splendide marquise était grosse et ce n'était point de son mari. Malgré le tour de vipère qu'elle m'avait joué hier, je n'arrivais pas à la haïr. Elle était de ces personnes qui réussissaient à ne jamais passer inaperçues. Tout le monde avait une opinion, bonne ou mauvaise, à son égard. Et elle avait ce qu'elle voulait : on parlait d'elle. Je me doutais qu'il serait plus judicieux d'en faire une amie plutôt qu'une ennemie. J'aurais tant aimé avoir répondu hier à sa rebuffade lors de ma chute à la promenade. Un mot d'esprit n'est jamais mal vu en ce pays-ci où je m'étais décidée à me faire ma propre place!

L'échiquier de VersaillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant