Chapitre 20 : Finissez-en !
Arthur frappa deux fois sur la porte, un code sans doute, et d'Effiat apparut.
- N'est-il pas risqué de venir ici ? On pourrait nous voir ensemble...
- C'était urgent ! le coupa le marquis. Tout le monde est à la promenade, le palais est désert. Ne vous permettez pas de critiquer mes décisions ! s'emporta le marquis de sa voix aigue. De là où je me trouvais je ne distinguais que ses souliers ! Cela devenait une véritable habitude chez moi !
Ils étaient de satin bleu, les talons hauts, comme c'était la mode en ce moment avec des boucles en or et un saphir. Je me concentrai sur les riches broderies pour éviter de respirer trop bruyamment. Je sentais la peur monter en moi. Et s'il me dénonçait finalement ? Je m'en voulus aussitôt d'avoir pensé cela. Jamais il ne me trahirait. Que tu es naïve Zéphyrine de croire les paroles d'un beau parleur ! Je ne confie rien à Aliénor qui s'est toujours montrée gentille et attentionnée à mon égard, pourquoi est-ce que je confie ma vie à cet homme qui me menace depuis des mois ? L'amour rend-t-il vraiment aveugle ?
- Alors ?...
- Eh bien alors ! Je viens de recevoir de Rome ce que nous attendions ! Il faut agir vite ! Demain sera le mieux.
Il fit mine de tourner les talons pour sortir quand soudain un grincement se fit entendre. Fichtre ! C'était le lit ! Mon cœur battait à tout rompre. Je suis vivante maintenant, dans quelques secondes je ne serai peut être plus...
- Oh, et cette demoiselle dont vous vous occupez... Et je compris que c'était de moi dont il parlait. Mais il ne m'avait pas vue. Je me retins de pousser un soupir de soulagement. Les vieux lits ne cessent de grincer à Versailles et partout ailleurs. Finissez-en avec elle. lacha-t-il
- Comment !? ne put s'empêcher de crier Arthur.
- Vous m'avez bien compris. C'est une forte tête dont il est impératif de se débarrasser. Avant demain. Cette nuit. Vous avez déjà failli lamentablement à la rallier à notre cause. Ne me décevez pas à nouveau ou j'en arriverai à remettre en question votre engagement à mon côté.
- Je ne puis, murmura-t-il.
- Que dites vous ? s'énerva le marquis.
- Je veux dire, continua Arthur retrouvant son assurance, que sa mort sèmerait, immanquablement le trouble à la cour. C'est un personnage de premier plan...
- Foutaises ! Encore une passade pour sa Majesté, il s'en est lassé aussi vite qu'il s'en est entiché, vous le savez bien !
Je vis Arthur serrer les poings. Visiblement il ne croyait pas à ses ragots qui circulaient à la cour et j'en fus heureuse. Le roi est loin de m'aimer... Depuis mon refus d'espionner sa belle sœur, il se méfie de moi, j'en suis certaine. Mais quelle sujette fidèle suis-je si je trahis au profit du plus fort, même une personne que je n'aime pas ?
- Je m'occuperai de faire taire toutes les rumeurs, il suffira de faire croire à un accident, elle a trébuché dans le grand canal lors d'un rendez-vous galant, on l'a retrouvée noyée le jour d'après. Il suffira de glisser quelques lettres d'amour anonymes dans sa chambre, sa réputation de fille légère n'est plus à faire ! Fille légère ! Moi ? Voilà donc ce que pensaient de moi tous ces courtisans parfumés. Le rouge me monta aux joues. Qu'ils croient ce qu'ils veulent, je n'ai de comptes à rendre à personne ! Fille légère... Et puis quoi encore ?
Arthur tenta de protester mais le marquis le coupa net d'un signe de la main.
- Faites le monsieur ou c'est moi qui m'en chargerai. Je vous savais prudent monsieur mais point poltron ! Demain ici, même heure.
Et sur ces mots il sortit de la pièce refermant la porte derrière lui. Nous entendîmes quelques pas dans le couloir. Puis plus rien.
Je sortis de ma cachette tout étourdie, les mains toutes rouges et pleines d'ampoules. La peur nous donne des aptitudes que nous ne pensions pas avoir ! Comment avais-je fait pour tenir tout ce temps dans cette position sans broncher ?
- Quand cesserez-vous de commercer avec cet homme ?
Il me lança un regard empreint de désespoir.
- Partez, Zéphyrine ! Si vous tenez à votre vie partez dès ce soir ! Empruntez des petites routes, traversez des villages n'empruntez surtout pas la grande route de Paris et surtout n'en dites rien à personne.
- Et Marie-Elsa ?
- Vous n'avez aucune raison de vous inquiéter pour elle, à aucun moment il n'a été question de lui faire du mal. Elle sait ?
- Non, répondis-je avec le plus de conviction possible. Non, je ne lui ai rien dit. Je ne me savais pas une telle aisance pour mentir ! Bien sûr qu'elle savait ! Tous mes faits et gestes, toutes mes paroles, même les plus insignifiantes. Tout. Elle était plus moi que moi-même. Je ne voulais point la mettre en danger. Arthur... Il venait de me prouver son amour en ne dévoilant pas ma présence mais je ne mettrai pas la vie d'Elsa entre ses mains. Je ne risquerai sa vie pour rien au monde. Un mensonge n'est rien, pourvu qu'il puisse sauver une vie.
- Alors partez !
- Me prenez-vous pour une lâche monsieur ?
- Non ! Jamais ! Il prit mes mains dans les siennes. Demain à cette heure vous serez loin, très loin d'ici. Marie-Elsa dira que vous êtes partie voir votre père qui est souffrant. Elle prendra respectueusement congé de votre part et présentera mille excuses de votre part. Vous vous en voulais de n'avoir point pris congé mais c'était urgent. La cour s'en gaussera mais au diable ce pays et ses commérages ! Moi je dirai à d'Effiat ce qu'il voudra entendre, mais je dirai aussi que la police du roi est à mes trousses et que je ne puis perpétrer moi-même le crime contre qui vous savez. Je partirai et quand tout ce sera calmé je viendrai chez vous, je demanderai votre main. Nul doute que votre père acceptera ! Mon père est duc et votre dot est si importante qu'il n'y verra, lui non-plus aucun inconvénient. Notre voie est tracée Zéphyrine ! Vous viendrez vivre chez moi, en Bourgogne ! Plus besoin de revenir à la cour et plus besoin de nous cacher ! On a la vie devant nous Zéphyrine !
Et, à ma grande surprise, il s'agenouilla devant moi, et retira la bague en or qu'il portait toujours à son index.
- Acceptez-vous m'épouser Marie-Zéphyrine de Villandry ? Acceptez-vous de m'aimer jusqu'à que la mort nous sépare ? Moi je vous aimerai même après.
Je souris. Je ne pouvais penser. Je ne voyais que le feu d'artifice dans ses yeux et je voyais le bonheur et la vie dont j'avais toujours rêvé ! Pas de couvent, pas de vieux mari hideux et repoussant. Je n'aurais pas à m'enfuir et à contrarier mes parents. Je n'aurais pas à me révolter contre mon destin comme je l'avais toujours cru. Non. Tout est là dans ses yeux, dans son regard. Le bonheur de mes parents, le bonheur des siens, l'approbation de tous et surtout... Surtout l'amour.
- J'accepte Monsieur de vous aimer, de vous chérir jusqu'à ce que la mort nous sépare. J'accepte de vous soutenir dans les épreuves de la vie. J'accepte de vous épouser.
Il me passa la bague au doigt, se leva et m'embrassa. Et j'étais heureuse et lui aussi ! Le destin n'est pas si cruel après tout ! Ou tout du moins c'est ce que je pensais.
Lâche/ Peureux
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L'échiquier de Versailles
Historical Fiction30 juin 1670, la cour de France retient son souffle. Il est deux heures du matin. A seulement vingt-sept ans, Henriette d'Angleterre, belle-sœur de Louis XIV vient de rendre son dernier soupir. Dans la foule qui se presse aux funérailles, on entend...