Chapitre 18 : Le seul bijou que je désire
Château de Versailles, juin 1670 :
A Versailles tout le monde se pressait pour entendre la Messe chaque matin. Le roi très chrétien se devait d'être assidu à ses devoirs moraux. Cela me rappelait l'atmosphère étouffante du couvent mais cela restait un moment de paix où je pouvais laisser mon esprit voyager dans un monde qui est le mien. Ce jour je pensais à l'étonnante scène qui venait de se produire chez Madame et dont on se gaussait déjà à la cour.
Nous étions, nous autres demoiselles d'honneur, assises dans un salon à lire ou à broder tandis que Madame conversait avec son époux dans une pièce adjacente. Nous faisions mine de ne rien remarquer mais nous entendions, parce que de l'autre côté de la cloison le ton montait d'un cran.
- C'est Lorraine n'est-ce pas ? J'ai tout accepté mais...
- Cessez Madame, vous n'avez jamais rien accepté et avez toujours intrigué contre le chevalier.
- Lui fait de même ! Quand cesserez-vous de me tourmenter ainsi ?
- Quand je saurai ! Et j'exige, Madame de savoir et dans tous les détails, ce qui s'est passé en Angleterre.
- Avec tout le respect que je vous dois, cela ne vous regarde pas.
- Cela me regarde d'autant plus que je suis votre époux.
- Certes vous ne l'êtes que quand cela vous arrange ! hurla Madame avec cet accent anglais qui revenait quand elle s'énervait. Et Dieu sait à quelle vitesse elle était capable de s'emporter.
- Et vous depuis quand êtes-vous une femme convenable qui sait rester à sa place ?
- Ma place est celle que le Roi m'autorise à occuper.
- Mon frère encore et toujours... J'exige Madame de savoir le contenu du traité !
Et j'entendis Monsieur, si calme et rieur d'ordinaire, frapper du poing sur le bureau.
- N'usez point de ce ton avec moi ! C'est encore ce Lorraine qui vous a mis tout cela en tête. Depuis quand Diable vous préoccupez-vous de politique ?
- J'ai le droit de savoir.
- Sortez ! hurla Madame en lançant ce qui me sembla être un vase contre le mur.
Monsieur sortit en furie et alla rejoindre Lorraine qui l'attendait dans ses appartements.
Madame sortit à son tour rouge de colère.
- Il ne sera pas dit qu'une princesse Bourbon et Stuart sera ainsi traité par un simple nobliau de province ! Et elle voulait parler du chevalier de Lorraine.
Elle sortit du salon. J'entendis dire, car je ne m'étais point permis de la suivre, qu'elle avait fait irruption lors du conseil du roi pour l'avertir du comportement de son époux.
Le roi, qui se montre particulièrement concilient avec sa belle sœur depuis la réussite des tractations diplomatiques avec l'Angleterre, accepta d'exiler le chevalier de Lorraine qui avait une influence de plus en plus néfaste sur le duc d'Orléans et qui semblait maintenant vouloir s'immiscer dans la politique du royaume en soutirant des informations secrètes à Henriette.
Philippe de Lorraine est à l'heure qu'il est sur les chemins, en route pour Rome à ce que l'on dit. J'étais heureuse de cet exil. Plus que d'Effiat, c'était Lorraine qui tirait les ficelles chez Monsieur et c'était à n'en point douter, lui, le véritable initiateur du projet d'assassinat de Madame. J'espérais que cet exil retarderait les plans de ces intrigants à moins que cela n'attise leur soif de vengeance...
Je me devais de savoir. Savoir cela et aussi trouver une preuve de la tentative d'assassinat dont j'ai été victime sur le pont du navire. On avait conclu à l'acte d'un déséquilibré et je m'étais bien gardée de leur parler de mes suspicions. Je n'aurais fait qu'attirer l'attention sur moi sans obtenir de résultats. D'ailleurs moi et Elsa avions décidé de dire que sa blessure était due à un accident de cheval. Cela nous évita les questions des curieux.
A la sortie de la messe, je croisai d'Effiat qui me lança un étrange regard. Oh ! J'en étais sûre, c'était lui qui se cachait derrière tout cela ! Mais aller fouiner dans ses appartements serait trop risqué... Non, il fallait chercher ailleurs. Et je savais précisément chez qui. J'échafaudai mon plan à la vitesse de l'éclair.
-Elsa, susurrai-je à l'oreille de mon amie, alors que tout le monde se bousculait hors de la chapelle, trouve moi une excuse, fait croire à des maux de têtes. Oh ! Je supporte si mal la chaleur ! Et je m'enfuis avec un clin d'œil avant qu'elle n'ait le temps de s'opposer à mes plans d'espionnage. Depuis l'incident du navire elle avait peur pour moi. L'assassinat d'Andromaque montrait que d'Effiat était un homme sans scrupules prêt à tout pour arriver à ses fins mais je n'étais pas moins déterminée et il regrettera de s'en être pris à moi. Je devais de me venger, l'image de ma pauvre chienne gisant inerte sur le parquet taché de sang me hantait encore et m'emplissait de haine. Je le traquerai jusqu'au bout du monde, jamais je ne cesserai ! Jamais !
En me rendant dans ma chambre je passai devant l'appartement de Louise de Keroual. Je me souvins tout d'un coup de ce roman qu'elle m'avait prêté et que je ne lui avais point encore rendu. Fichtre cela faisait plus de deux mois ! Voilà qui était des plus mal polis surtout envers une si gentille personne. J'allai chercher l'ouvrage posé sur mon secrétaire et me dirigeai vers la chambre de Louise. « Si elle ne s'y trouve pas, je le lui rendrais une autre fois » pensai-je avant de frapper à la porte.
J'entendis une grande agitation puis Alexandre Bontemps sortit de la chambre tenant une pile de documents. Il me salua poliment avant de disparaître. Tiens donc... Une feuille s'envola et vint atterrir à mes pieds. Je la ramassai pour la lui donner. Il me l'arracha presque des mains. Et me remercia précipitamment. Voilà qui était des plus étranges... Ce document était des plus intrigants pour la simple raison qu'il était codé. Je le vis immédiatement... Cela me fit tout de suite penser à mon entrevue avec le roi où je lui avais refusé mes services. Il m'avait parlé me semble-t-il d'un code de communication secret. Serait-ce possible qu'après mon refus il se soit rabattu sur Louise ? Et quand j'y repense, en Angleterre le roi a manifesté un immense intérêt pour cette demoiselle et Louise s'était laissée prendre à ce jeu galant à tel point que, quand avant notre départ Madame avait offert au roi de choisir en guise de souvenir un bijou de sa cassette personnelle celui-ci s'était approché de Louise et, en posant sa main sur la sienne avait décrété « Voilà le seul bijou que je désire » . La douce Louise était donc le nouvel agent secret du Roi... Est-ce possible que Louis XIV l'ait chargé de séduire Charles II ? C'est fort probable, sa beauté et son intelligence n'étaient secret pour personne.
- Zéphyrine ! dit-elle un peu gênée en me voyant.
- Je venais vous rendre ceci, dis-je en lui tendant le livre en cuir marron.
- Oh ! Merci j'avais oublié jusqu'à son existence ! dit-elle en prenant le livre.
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NDA: Je pense que je vais me lancer dans une reecriture ou plutot un rajout de passage etc. parce que je me rend compte que mon idee d'intrigue policiere n'est pas assez developee. Le roman devrait faire le double de ce que j'ai ecrit... Je vais m'y mettre pendant les vacances. Je n'ai vraiment pas le temps d'ecrire en ce moment et ca me rend folle! Un jour sans ecrire c'est un jour de perdu parce que chaque jour on eprouve des choses differentes et chaque emotion, meme banale, est unique et ne reviendra plus jamais.
Merci de me donner votre avis.
Je pense qu'il faudrait plus detrailler ce qui se passe dans la vie des autres personnages et l'intrigue policiere, les tensions dans la maison de Madame etc.
Bisous et merci infiniment pour les 10 k et les 900 votes et les 430 commentaires c'est vraiment tres encouragent!
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L'échiquier de Versailles
Historical Fiction30 juin 1670, la cour de France retient son souffle. Il est deux heures du matin. A seulement vingt-sept ans, Henriette d'Angleterre, belle-sœur de Louis XIV vient de rendre son dernier soupir. Dans la foule qui se presse aux funérailles, on entend...