Chapitre 9: Je serai l'audace

3K 293 29
                                    

Chapitre 9: Je serai l'audace

Château de Versailles, novembre 1669

En cette soirée froide et nuageuse de novembre tout semblait normal à Versailles, tout semblait calme... Chose étrange dans la plus grande cour d'Europe. Oh calme ! C'était vite dit ! Les courtisans se divertissaient dans les salons jouant gros... Perdant gros aussi. Buvant plus que de raison. Mais cela n'était rien que de très normal à Versailles. Pas de morts, pas de scandales, pas de crimes de quelque sorte que ce soit. Voilà. Tout était calme donc !

Versailles est en travaux et de ce fait s'y loger s'avère être une entreprise des plus périlleuses. Moi, Elsa et Victoire sommes donc obligés de partager la même chambre. Je ne puis plus converser tranquillement avec Elsa sans que chacun de nos faits et gestes ne soit épié par cette harpie. L'avantage c'est que je puis m'informer des derniers commérages. Selon Victoire, en ce moment on ne parle que de moi ! Cela la met dans un état d'excitation hors du commun. Je pèse chacun de mes mots quand je suis avec elle sachant qu'à Versailles même les murs ont des oreilles et que la St-Brieuc à une langue bien pendue. Elle serait capable de raconter tout et n'importe quoi, surtout n'importe quoi, pour se faire remarquer. Et me faire remarquer, c'est tout ce que je tentais d'éviter ces dernies temps. La Montespan avait eu vent de l'épisode de la chasse et elle ne manquait pas une occasion de me faire des remarques des plus désagréables en public. Et moi qui voulais m'en faire une amie ! Peine perdue! Il se dit déjà dans les salons que ce sera moi la prochaine reine de Versailles. Et tout ça parce que le roi avait ri !

J'étais allongée dans mon bain réfléchissant à tout cela et me disant aussi que j'avais fort peu de nouvelles de Villandry. On peut se demander comment je peux prendre un bain dans ma chambre minuscule sans être épiée par la St-Brieuc! Et bien la réponse est simple. Ce soir il y a appartement, tout le monde est en train de danser et de critiquer... Moi je prends un bain! Quoi de plus naturel? En vérité, j'avais réussi à faire porter un gros chaudron des cuisines dans mon appartement. Des immenses chaudrons comme cela il y en a des dizaines, personne ne le remarquera... Ou tout du moins je l'espère ! Ce n'est qu'une petite cuve en cuivre, rien à voir avec la baignoire incrustée d'or de Madame, ni même la monumentale cuve en marbre de la Montespan! Mais moi cela me convient... Je l'ai faite installée ce matin même dans le petit "cabinet" adjacent à notre chambre. La baignoire y tenait à peine entre les deux rangées d'étagères et de hauts placards en bois.

Et au Diable l'avis des médecins ! « L'eau ramollit la peau et les impuretés pénètrent dans le corps plus facilement ! » Foutaises ! J'ai passé mon enfance à patauger dans la Loire et je ne m'en porte pas plus mal.

J'étais allongée dans l'eau, dos à la porte et je chantonnais des sottises. Je chante mal, j'en conviens, mais qu'importe quand on est seule et qu'il n'y a personne pour s'en rendre compte!

Il faisait très sombre... Point de lumière dans cet espace restreint, juste une minuscule chandelle brûlait sur une des étagères. J'aimais à me sentir ainsi seule, coupée du monde, coupée de tout. J'avais l'impression de me retrouver à Villandry les pieds plongés dans la Loire! Que cela me manquait! Trois mois déjà que je n'y suis pas retournée!

Soudain j'entendis le parquet grincer. Cela devait être Andromaque... J'avais eu tort... Si seulement j'avais su...

La porte du cabinet s'ouvrit violemment et souleva un courant d'air qui me glaça les épaules. Je n'eus pas le temps de me retourner, ni même de bouger, une lame étreignait ma gorge. Je sentis une main gelée se poser sur mon épaule nue. Le contact du métal tranchant sur ma peau me fit frémir. Mon cœur battait à en exploser. Était-ce d'Effiat? La seule pensée de son visage, de ses yeux perfides, de son regard perdu de haine et d'ambition m'écœurait de dégoût. Je sentis un souffle chaud près de mon visage. Je gardai les yeux rivés droit devant moi, vers le mur... J'avais trop peur de bouger.

L'échiquier de VersaillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant