Chapitre 13: Non, Votre Majesté
Château de Versailles, mai 1670
- Toujours du retard ! Je n'en puis plus ! s'écria Madame à bout de nerfs en se laissant tomber dans un fauteuil.
- Ne vous inquiétez pas votre Altesse, tout sera prêt pour votre départ ! la conforta Victoire de St-Brieuc qui tentait tant bien que mal de calmer la princesse.
Depuis quelques jours l'excitation était à son comble dans les appartements d'Henriette d'Angleterre.
Un roi, même le plus grand du monde, a besoin d'alliés puissants. En cette année 1670, le roi de France est sur le point de conclure une alliance avec le royaume d'Angleterre et c'est Madame qui avait pour mission de mener à bien les tractations entre ces deux royaumes pour qu'enfin la paix soit signée . Madame s'étant vue hissée au prestigieux rang d'ambassadrice de la France en Angleterre, nous, demoiselles d'honneur avions l'insigne privilège de l'accompagner dans cette entreprise qui devait être décisive pour l'avenir de l'Europe. Depuis des siècles de tensions, il était tant que la France mette fin à son inimitié pour son éternel ennemi.
- Quelle chaleur ! s'écria Madame en se levant d'un bond renversant la tasse d'eau de rose que venait de lui servir Victoire sur le parquet ciré. Elle se dirigea vers la fenêtre et l'ouvrit en grand.
La chaleur était en vérité étouffante en ce printemps et la poussière, les odeurs de peinture et le bruit perpétuel ne rendaient pas la situation plus agréable. Les maçons étaient rois à Versailles ! Toute la cour ne cessait de se plaindre de cet inconfort mais le roi voulait visiter régulièrement le chantier de Versailles dont il s'était mis en tète de transformer en un « Paradis sur terre » selon sa propre expression. Et la cour suivait tant bien que mal car que ne ferait-on pour dormir sous le même toit que Sa Majesté ?
Pour moi, cette situation était des plus ennuyantes... J'avais retrouvé ma petite chambre au dernier étage que j'étais contrainte de partager avec Elsa et la St-Brieuc qui ne me laissaient pas un instant de répit ! S'ajoute à tout cela le billet qu'un page m'a remis ce matin même, à la sortie de la messe.
« A 2 heures du matin à la grotte de Thétis » signé A.M et je n'avais aucun doute quant à l'identité de ce mystérieux A.M...
J'avais effectué ma petite recherche. En effet, après l'incident survenu pendant le bal du carnaval Elsa m'avait aidé à en apprendre plus sur ce dénommé Arthur qui occupait mes pensées depuis plus d'un an.
Arthur, de son nom entier Arthur Charles Victor de Montagny, était originaire de Bourgogne et n'était pas moins que le fils aîné du duc de Montagny. Je m'étais renseignée auprès de Mademoiselle de St-Brieuc lui faisant croire que ce Monsieur me rappelait vaguement un de mes cousins que je n'avais point vu depuis longtemps. N'importe quoi donc mais les histoires de familles intriguent toujours moins que les idylles interdites et je me serais bien gardé de lui dire que cet homme était un dangereux criminel dont j'étais tombée éperdument amoureuse et qui risquait sa vie en complotant contre la belle-sœur du roi pour... Pourquoi en vérité ?
Pour Lorraine et d'Effiat c'était plus qu'évident, la mort de Madame leur conférerait à tous deux plus d'ascendant sur Monsieur et leur permettrait d'obtenir honneurs et richesses. Henriette d'Angleterre, de par sa relation privilégiée auprès du roi, qui bien qu'il ait pris depuis longtemps nouvelle maîtresse et même plusieurs n'avait pas perdu son amitié pour sa belle-sœur, était un obstacle de taille entre eux et le pouvoir. Madame ne cessait de se plaindre au roi et rapportait tourtes les manigances qui se tramaient au sein de sa maison. Il était évident que les deux favoris lui vouaient une haine mortelle.
VOUS LISEZ
L'échiquier de Versailles
Historical Fiction30 juin 1670, la cour de France retient son souffle. Il est deux heures du matin. A seulement vingt-sept ans, Henriette d'Angleterre, belle-sœur de Louis XIV vient de rendre son dernier soupir. Dans la foule qui se presse aux funérailles, on entend...