Chapitre 22 : Bientôt sans doute...
Je repris mes esprits. Combien de temps était passé ? Une heure ? Quelques minutes ? Des journées entières ? Je sentais ma tête tourner, j'avais toujours le goût du sang dans la bouche. Tout semblait flou... J'étais dans une pièce sombre, les murs de pierre étaient délabrés, la toiture en bois menaçait de s'effondrer. Je voulus me lever mais un bras me poussa violemment vers le sol. Un homme, le même qui m'avait agressée cette nuit-là. Il se tenait là un pistolet chargé à la main. Je me rendis compte que mes mains étaient attachées dans mon dos... Je ne pouvais plus bouger. Je me résignai à rester assise dans la poussière. Ma tête me faisait horriblement souffrir. Qu'allait-il advenir de moi ?
Arthur ! Oh ! Ce nom me faisait tant souffrir. Il ne m'aime pas... Si, il m'aime ! Il m'aime, cela ne peut être autrement ! Mais... je voulais juste disparaître. Je me sentais si ridicule. Je voulais hurler, frapper dans le mur. J'étais en colère contre lui, contre moi-même ! Mais la seule chose qui sortit de ma gorge fut un sanglot. Il m'avait trahi... La trahison je ne l'avais jamais vécue, je ne l'avais jamais connue. Elle avait ce goût amer, ce goût qui ne part point. C'est si difficile de le dire, de voir la réalité en face. Ce qui est bien pire encore c'est de se dire que l'on n'est jamais trahi que par ceux qu'on aime. Je t'aimais ! Traître que tu es. Et je t'aime encore. Folle que je suis de m'être laissée prendre à ce jeu ! Je me croyais invincible...
Pardon. Je sais que c'est difficile de le dire et de l'entendre mais croyez-moi c'est encore plus terrible de le vivre. Vous ne pouvez pas savoir combien j'ai souffert. Combien j'aurais aimé vous dire que nous vécûmes heureux, comme dans les contes. Mais la vie est faite ainsi. Et je me sentais vidée de tout ce que j'avais. Vidée de ma force, de mon audace, de ma confiance. Je savais que ce feu aurait fini par me brûler. J'espérais juste que cela n'arriva pas si tôt... Pas ainsi.
Et c'est là que j'entendis du bruit de l'autre côté de la porte en bois. C'était d'Effiat. Encore lui. J'aurais dû m'en douter ce soir-là. Quand cesserait-il de me hanter avec sa voix aigue pleine de méchanceté et son regard de vipère ?... Quelle sotte je fais ! Je n'aurais jamais dû croire Arthur et ses discours mielleux ! Je me suis laissée prendre ! Comme une débutante ! Une débutante en quoi d'ailleurs ? Une apprentie intrigante. Cela me dégoûtait rien que de le dire. Mais c'était vrai. S'il est dur d'arriver à la cour, de s'intégrer tant bien que mal, de réussir à exister dans ce cercle constant qui gravite jour et nuit sans s'arrêter autour du soleil, il est encore plus dur d'en ressortir. Je commence à me dire que cela est impossible. Un an presque... Un an que je vis dans ce tourbillon incessant. Mais à présent tout semble s'éclaircir... Si la cour était le monde, le roi est le soleil, les courtisans sont les étoiles et les planètes et moi... Moi je suis l'un de ces éléments en suspension, ceux qui errent dans l'immensité de l'espace sans avoir de chemin tracé et sans savoir combien de temps ils ont encore, avant de s'écraser sur terre, ou de disparaitre. Bientôt, sans doute.
Je tendis l'oreille pour mieux entendre ce qui se tramait dans l'autre pièce.
-Personne ne vous a vu venir?
- Non, je vous assure.
Tout de suite, je reconnus la voix d'Arthur. Arthur ! Je mourais d'envie de lui cracher à la figure, de le transpercer d'une lame d'épée. Je mourais aussi d'envie de l'embrasser de lui faire dire à nouveau qu'il m'aimait.
L'infâme ! Le traître !
Je voulais crier. Je voulais hurler. Lui dire que j'étais là. Il s'en doutait évidemment puisque c'était lui qui avait dit à d'Effiat que je partais. Que tout était fini... Je ne savais pas vraiment ce que je voulais lui dire mais le pistolet appuyé contre ma tempe m'en dissuada.
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L'échiquier de Versailles
Historical Fiction30 juin 1670, la cour de France retient son souffle. Il est deux heures du matin. A seulement vingt-sept ans, Henriette d'Angleterre, belle-sœur de Louis XIV vient de rendre son dernier soupir. Dans la foule qui se presse aux funérailles, on entend...