Chapitre 21 : Avis de recherche

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Nous nous éloignons de la planque à vampires à grand pas. Je me retourne et constate que notre espèce est suffisamment bien isolée de la race humaine pour que personne ne découvre notre cachette.

Grâce à notre vitesse nous avons parcouru bien une vingtaine de kilomètres en très peu de temps. Bien sûr, la nuit est tombée depuis quatre heures. Ça fait du bien de savoir qu'il est une heure du matin, je peux enfin mettre des chiffres sur le temps.

Nous nous arrêtons à l'entrée d'une ville. Je m'arrête net devant cette horloge à moitié rouillée, percher sur son poteau en ferraille qui s'écaille avec le temps. Je la reconnaitrai entre mille. Mon estomac me fait subitement mal, car je connais si bien cet endroit et pourtant il a changé : les petits par terre de fleur autour des habitations ont disparu, les arbres ont perdu leurs feuilles dont certains ont été taillées. Depuis combien de temps suis-je rester renfermé ? Si l'automne est passé en dénudant tous les arbres et en faisant faner les fleurs sur son passage, quel jour somme-nous exactement ? Je ne vois aucune décoration de Noël, la ville semble si triste et déserte. J'avais presque oublié Aaron qui me suit sans bruit dans la découverte de mon ancien chez moi.

-Tu m'as enlevé le jour de mes vingt ans. Nous étions au printemps et la ville était fleurie à tel point que les abeilles ne savaient plus où donner de la tête, dis-je avec un demi-sourire, me rappelant des mots exact de Tommy lorsqu'il regardait tous ses insectes en train de travailler durement.

-Ça va faire bientôt un an que tu es un vampire. Nous sommes à la fin du mois de janvier, mais tu verras au bout de quelques années tout ça ne t'intéressera plus, parce que tu auras le temps d'en voir de la neige ou bien des fleurs dans une éternité.

-C'est méchant de dire ça, dis-je en bougonnant. Il faut toujours qu'il soit aussi franc à tel point de briser mes rêves.

Je me rapproche de la Mairie : une bâtisse assez imposante pour une ville de trois mille habitants, si mes souvenirs sont bon. Je caresse les murs aux pierres apparentes pour me souvenir de mes balades avec Tommy depuis notre jeune enfance. La ville était notre champ de bataille et la Mairie était notre repère, notre château fort.

-N'oublie pas que je ressens ta peine, continue mon double pour me rappeler sa présence.

-Je me dois bien de t'en faire profiter, c'est tout de même de ta faute si nous sommes rendues à sortir tard la nuit pour nous nourrir.

Je continue mon exploration en me rapprochant du tableau d'affichage. Je sens la main d'Aaron me retenir en posant sa main sur mon épaule.

Tu ne devrais pas.

Pourquoi me conseiller cela ? Je n'en fais qu'à ma tête retirant sa main et fonçant droit sur le tableau.

-Mon Dieu, dis-je la main devant la bouche, ma douleur à l'estomac s'accentue avec une boule dans la gorge.

Ce que j'ai devant moi n'est plus un tableau d'affichage qui annonce des animations ou d'autres informations. C'est moi qui le remplit entièrement, je comprends pourquoi Aaron m'a prévenu de ne pas regarder. Toutes ces affiches avec la même photo de moi. Je souris à la limite d'exploser de rire, je me souviens très bien du jour où elle a été prise. C'était l'été dernier, un an avant que je disparaisse, Tommy m'avait trainée à la plage pour que je sorte le nez de mes bouquins, comme d'habitude il prenait toujours soin de moi et pourtant nous étions si différents. Il avait ce côté mauvais garçon qui attirait toutes les filles alors que moi j'étais l'intello du coin. Normalement, nous sommes tout les deux sur cette photo avec la mer en fond, mais elle a été recadrée pour qu'on n'y voie que moi.

La plupart des feuilles de dessus ont été effacées à cause de la pluie et du froid mais j'arrive à lire le texte se trouvant en dessous de ma photo.

AVIS DE RECHERCHE

Jenny a vingt ans et a disparu le 21 avril. Elle a été vue pour la dernière fois en train de sortir de son domicile. Elle a les cheveux brun mi- long, le plus souvent détachés. Des yeux bleu topaze et mesure un mètre soixante-deux,...

Je détourne la tête complètement déchirée par cet avis de recherche qui est le mien ! J'en arrache une de colère et je remarque que la photo est toujours la même, mais que le texte a été changé, cela ressemble plus à un article. Certains mots m'interpellent plus que d'autres et je sais qui les a dits.

« Si jamais je retrouve celui qui nous l'a enlevé je lui ferais la peau ! », « Pourquoi ne pas nous demander une rançon, je serais capable de n'importe quoi pour elle ! », « Elle était comme ma sœur ».

Je ne sais plus quoi dire. Alors que quelque chose en moi se brise, un mélange de colère, de dégoût et de tristesse monte en moi. Je m'oblige à me tourner face à Aaron qui a le visage rempli par ma douleur, il la ressent et tant mieux. Je lui mets la feuille en face des yeux.

-C'est de ta faute tout ça, hurlai-je.

-C'est le plus dur mais dit toi qu'ils finiront par t'oublier, dit-il d'une voix basse pour me faire baisser d'un ton.

-Non, jamais ils pourront m'effacer de leurs mémoires. Ils seront tiraillés par la douleur chaque jour de leur vie en pensant à moi.

-Ils te croient déjà morte, dit-il montant dans les tons.

-Comment peux-tu être aussi cru avec moi ?

Ma colère a réveillé ma faculté et tout autour de nous vole en tourbillon mes avis de recherche qui étaient accrochés au tableau, nous fouettant le visage comme en pleine tempête.

Je le bouscule de plein fouet et commence à m'éloigner, assez pour ne plus l'entendre et pourtant il me torture de l'intérieur.

Il n'y a que la vérité qui blesse Jenny, c'est dur à entendre, mais c'est mieux de penser ainsi dès maintenant. Est-ce que tu tiens vraiment à voir un jour l'enterrement de tes parents, de ton meilleur ami ? Crois-moi, j'étais aussi têtu que toi et je l'ai regretté. Voir tous les gens humains que tu aimais disparaitre, rongé par la vieillesse.

-Ça Suffit, hurlai-je, les mains sur la tête pour faire cesser sa voix.

Je continue de marcher en direction de la maison de mes parents. J'ai juste oublié un petit détail, cette foutue promesse ! Je me cogne de plein fouet dans un mur transparent, car il n'y a rien devant moi et finis sur les fesses.

Tu dois revenir vers moi.

Non, je n'en ai pas envie et pourtant mon corps en décide autrement. Je suis déjà debout en train de faire demi-tour. Aaron arrive vers moi et mon corps s'arrête comme s'il avait accompli sa mission.

Je le regarde avec de l'amertume et me rends compte qu'enfaite il souffre autant que moi. Je comprends soudainement qu'il a toujours souffert de mon état, de mon mal être, à être devenu un vampire. Les excuses qu'il me faisait sens cesse lors de ma transformation me revienne à l'esprit. Je saisis qu'il n'a jamais vraiment voulu me transformer, qu'en fait, il a sans doute était métamorphosé alors que lui non plus ne le désirait pas. Il a juste accompli son rôle de double en cédant à cette attirance incontrôlable qu'il éprouvait à mon égard. Ce qu'ils appellent le coup de foudre. C'était notre destin, de nous rencontrer et pas forcément de sa faute.

Il passe ses mains dans les miennes pour ensuite les enfermer. Il doit savoir ce qu'il se passe dans ma tête, que je commence à comprendre ce qu'il se passe dans la sienne. Je me laisse bercer par son geste délicat qui pense mes blessures psychique.

-Comment te sens-tu ? me demande-t-il, après quelques minutes de silence.

-Enfermer dans une cage, dis-je tout bas. Mon regard mi- rouge mi- bleu croise le sien.

-Je te promets de t'emmener voir tes proches, mais juste de loin.

J'ouvre la bouche surprise et souriante.

Finalement, je capitule à le suivre car il vient de me faire une promesse. Il ne veut que mon bonheur et même si les voir m'apportera sans doute plus de tristesse que de joie, je ne peux m'empêcher de le remercier.

Il ne me répond pas, continuant de marcher les yeux fixé au loin, sur un point noir car il sait sans doute que c'est une promesse qui va m'être nocive.


Mon doubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant