Mon double

Chapitre 25 : Le mal

Quelques mois auparavant, je me serai fait un malin plaisir d'avouer à mon créateur ma relation avec son ami, juste pour le faire enrager. Aujourd'hui, tout est différent. Je viens de recevoir une claque en pleine figure ou du moins ça me fait le même effet. Comment peut-il proposer une telle bêtise ?

-Pourquoi maintenant ? Ce que je  veux te dire, c'est que nous avons le temps avant de lui en parler.

Il fronce les sourcils, interpellé par mon affolement que je ne cache pas forcément.

-C'est quoi le problème ?

Je cherche désespérément mes mots.

-Tu n'as pas peur qu'il t'en veuille ?

-J'ai le droit de t'aimer. Il se rapproche de moi me prenant les mains pour m'encourager. Toi aussi n'est-ce pas ?

Je hoche la tête bêtement, sans pouvoir réfléchir, tellement ses mains sont douces.

-Je te laisse la journée pour lui dire.

Il m'embrasse le front, me caresse la joue et s'en va.

Une fois qu'il est partie et que j''ai retrouvé mes esprits, je me rend compte que je vais déposer  une « méga » bombe au pied d'Aaron. Nous commencions tout juste à bien nous entendre et au final  je vais sans doute tout faire capoter.

Je ne me sens pas capable de mentir, ni à l'un, ni à l'autre. Si je commence à m'enfoncer dans le mensonge je n'en sortirais peut-être pas ou en causant des dégâts des deux côtés. Comment vais-je pouvoir lui annoncer ça ?

J'imagine les différentes réactions de la part de mon créateur. D'abord, se moquant de moi, puis se mettant en colère et finir par me tourner le dos pour ne plus jamais me reparler. Ou le pire serait de vouloir sauter à la gorge de Léon.

Qu'est-ce qui te tracasse autant ? Encore à débattre sur le bien et le mal ?

Je fais un bon de deux mètres en arrière, car il est certes dans ma tête, mais aussi en face de moi.

-Allons chasser. Je ne sais pas si tu as remarqué mais la nuit est tombée.

-Non, je n'ai rien vu. J'ai l'impression que Léon a disparu à peines quelques minutes auparavant. Je crois bien que ça fait plutôt quelques heures.

Sortir est tout ce qu'il me faut pour me faire du bien au moral.
En levant la tête vers le ciel, je souris aux étoiles qui brillent, rien que pour me changer les idées. Nous arrivons à pas feutrés dans mon ancienne ville, qui n'a pas changé, mais cette fois Aaron m'entraîne vers le petit parc qui a bercé mon enfance, ainsi que mon adolescence.

-C'est une sorte de sortie pédagogique, dis-je, en frôlant des mains les balançoires où je passais mon temps avec Tommy. C'est comme s'il connaissait mon ancienne vie par cœur. Comme s'il savait tout de mes souvenirs. Il est cet homme discret qui connaît tout de moi, c'est peut-être pour cela que je l'ai tant détesté parce que je savais qu'il était mon point faible. Mes pires souvenirs et mes pires souffrances n'ont plus aucun secret à ses yeux.

Je n'arriverais jamais à lui avouer mes sentiments pour Léon, pensai-je, en secouant la tête.

-Oui, c'est un peu ça. Avancer pas à pas dans ta nouvelle vie, sans oublier ton passé.

Je m'installe comme une enfant sur le tourniquet et a mon plus grand étonnement Aaron se prend au jeu. Il commence par le faire tourner et saute entre deux barres. Ma tête tourne ne distinguant plus le paysage. Alors que je m'accroche aux poignets en ferraille pour ne pas être éjecté, je ris à pleins poumons tellement je me sens revivre. Cela peut paraître idiot, mais je redeviens cette adolescente avec son meilleur ami en face d'elle.