Le siphon

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Ça fait plusieurs jours que je fais des rêves étranges. Des rêves où je me perds, je sais que je suis dans ma ville pourtant. Je me souviens de ces rêves, et pourtant je ne m'en souviens pas, du moins pas totalement.
J'ai rêvé d'une maison, en ruine me semble-t'il. Aussitôt réveillé, je l'ai dessinée assez rapidement tant que le souvenir était dans ma tête. Cela donnait quelque chose comme ça.

(Média, image 1.)

Cette maison, il me semble que je l'ai déjà vue. Quand j'étais petit, moi et mes copains nous sortions souvent de l'enceinte de la ville pour aller dans la forêt un peu plus loin, juste un petit bois vert et agréable, avec quelques ruisseaux. Il m'avait semblé apercevoir plusieurs fois une petite masure délabrée qui se tenait fièrement sur les quelques murs qu'il lui restait. Ce n'est pas raisonnable, j'essaie de voir ce que je peux trouver sur cette maison.

Rien, strictement rien. La curiosité l'emporte: c'est décidé, demain j'irai voir de quoi il retourne. J'emporte le strict minimum, une torche, mon couteau suisse, et une bouteille d'eau, sans oublier mon portable, on ne sait jamais.
Aurai-je la patience d'attendre jusqu'à demain? Certainement pas, je pars sur-le-champ. Je regarde par la fenêtre. Il neige dehors, les décorations de noël accrochées aux réverbères semblent dégager des flammes, elles semblent voler. J'ai pris mon portable et fait quelques photos, je ne sais pas si la qualité est bonne, tant pis.

(Média, image 2.)

Je sors enfin. Il neige, mais il ne fait pas froid. Ces "flammes" semblent dégager une réelle chaleur. Cependant, ce réconfort ne dure pas longtemps. J'essaye d'accomplir le même trajet que lorsque je dors. J'avais traversé plusieurs quartiers dans mes rêves ; ce n'était pas les quartiers lumineux et aérés que je connaissais, c'était plutôt un lieu sombre, étroit, un lieu où si quelque chose arrivait, je ne pourrais pas m'enfuir. J'ai pressé le pas et dépassé l'ombre mortuaire des bâtiments. Lorsque je me suis retourné, la lumière était revenue, mais semblait être au milieu du chemin. Aucun lampadaire ne s'est jamais trouvé au milieu d'une route...

Je suis tenté de rebrousser chemin, mais je ne suis pas très loin de la forêt. J'y entre donc, la boule au ventre et les nerfs à vif. Je sors mon couteau de mon sac et je le serre aussi fort que je le peux dans ma main. Et enfin, je l'ai aperçue.

(Média, image 3.)

Certes, elle ne ressemble pas trop à la cabane que j'avais dessinée quelques heures auparavant, elle semble encore en plus piteux état. Le jour commence à se lever, alors je prends une photo, et j'entre.
Tout est sombre à l'intérieur, moins que je l'aurais pensé mais sombre quand même. Il n'y a que deux pièces. Une cuisine, composée de quelques meubles, une table et une vieille cuisinière, et une chambre avec un lit. Si dehors, même avec la neige, je n'avais pas froid, ici c'est autre chose. Je grelotte sous ma veste, et je sais que quelque chose ne va pas bien. Mais quelque chose attire mon attention: un bruit, une espèce de raclement qui semble venir du coin de la grande pièce, d'un lavabo. Ce raclement se fait de plus en plus entendre, je prends peur et je sors de la cabane très rapidement, en oubliant de prendre des photos.

Je suis rentré chez moi, finalement. Les quartiers sombres étaient redevenus lumineux, les lampadaires étaient bien placés aux abords de la chaussée. Je n'arrive plus à faire la différence entre rêve et réalité, et je n'arrive pas à m'endormir. Je ne suis même pas sûr d'avoir été dans cette cabane. Une bonne douche me fera du bien, sûrement. Je me lève et me dirige vers la salle de bain.

Je ferme la porte en verre de la douche et j'ouvre l'eau. Tout juste tiède, ça suffira. Plusieurs minutes s'écoulent et l'eau devient plus chaude, parfait. Si chaude qu'elle m'engourdit, et je mets plusieurs secondes à m'apercevoir qu'une main est sortie du trou d'évacuation de l'eau et m'a agrippé la cheville. Elle tire d'un coup sec, je ressens une vive douleur au pied. Cette chose veut me faire passer dans ce trou qui fait quelques centimètres de large. J'essaie de m'accrocher quelque part, mais mes mains glissent sur les parois en verre. Je ne sens plus mon pied et j'entends un violent craquement, la moitié de mon pied est déjà dans le trou et le sang coule à flot. Je hurle, je pleure, je me débats, rien à faire, cette chose est trop forte. Elle m'entraîne dans le trou. Mon tibia y passe dans un craquement horrible, la chair se déchire et s'arrache pour rentrer, tout comme les os et les muscles. La douleur est insoutenable, et je ne peux rien y faire. J'ai entendu des histoires comme quoi lorsque la douleur est trop forte, l'homme s'évanouit. Je n'ai pas cette chance là.
Mon genou commence à rentrer, cette douleur est pire que toutes les autres. Je sens chaque partie de l'os craquer, se déplacer, rentrer et racler, et ma peau vole dans tous les sens, le sang recouvre quasiment tout le sol de la douche. C'est à ce moment que je le vois. Un visage. Ce visage est collé à la paroi en verre, à l'extérieur.

Et ses yeux, ses yeux derrière la vitre de la douche, ils s'extasient sur le siphon.

Je sais que pour les 3 images, on ne voit pas hyper bien, mais ça vous donneras quand même une petite idée.

Don't Read at Night | Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant