Elle

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Bonjour cher journal, heureux de te rencontrer. Moi c'est George, j'ai dix-sept ans. Je t'écris... Parce qu'il le faut. Je vais devenir dingue. Je ne peux en parler à personne ; ça se finit toujours mal. Pourtant, il faut que j'évacue tout ça ; ce que je ressens, ce qui reste enfermé dans ma tête...
Il faut que je te raconte une histoire. Une histoire horrible : la mienne...

Tout a commencé dix ans plus tôt. J'étais encore un petit gamin naïf. Je n'étais cependant pas un garçon turbulent, à l'époque. Je ne l'ai d'ailleurs jamais été, pas même à l'adolescence. Je suis resté calme. Je suis ce que les gens appellent le plus souvent "un garçon mature". Mais mon calme n'a jamais rien eu à voir avec ça ; la maturité ou l'intelligence. Cela dit, ça fait partie de ce dont je n'ai pas le droit de parler. Et de toute façon, je m'en fiche de ce que pensent les autres. Ce n'est pas du tout le problème !
Comme je disais, j'étais très sage. Les instituteurs ne me faisaient presque aucune remarque. Dans toute ma scolarité, les enseignants ont toujours été très respectueux envers moi. Pourtant... J'en ai tué un. J'avais seulement sept ans.
C'était le 13 mai 2005. Un mardi.

Mon meilleur ami, Jimmy, n'était pas venu à l'école, mais je redoutais déjà de savoir pourquoi. Je ne voulais pas y croire, mais comme c'était toujours la vérité, je savais bien que ça ne servait à rien d'espérer.

Et, au fur et à mesure de l'avancement de la journée, mon appréhension augmentait. Comme personne ne semblait au courant de la même chose que moi, j'ai fini par croire que, pour une fois, ça pouvait être différent !

Ça aurait été tellement bien, mon journal ! Tellement génial si ça avait été le cas ! Que tout s'arrête, que je redevienne un gamin comme les autres, qui peut faire des conneries sans avoir peur de ce qui vient après !

Cet espoir m'a envahi, m'a submergé. Je voulais y croire, de toutes mes forces...

Comme mes parents – me pensant eux aussi "mature" - me faisaient confiance, déjà à cette époque, je rentrais seul chez moi après les cours. Et ce jour-là, j'ai d'abord décidé de trouver mon institutrice principale, madame Lafleur, pour lui demander ce qu'elle savait sur l'absence de Jimmy.
J'avais tellement peur. Ce genre d'angoisse qu'on a, et qui nous fait faire n'importe quoi. C'était exactement ça, et j'ai vraiment foutu le bordel. Aujourd'hui encore, en y pensant, j'ai des frissons.
Je lui ai demandé de but en blanc si c'était vrai que le père de Jimmy avait eu un accident très grave, qui l'avait tué. J'ai demandé si c'était bien pour ça que Jimmy n'était pas venu en cours ce jour là.

Je suis allé droit au but, sans la moindre forme de délicatesse – si tant est que j'étais capable d'en avoir à cet âge. L'institutrice était, quant à elle, devenue livide comme un cadavre. On aurait dit qu'elle venait d'avoir eu une attaque. Elle tremblait, et j'ai alors compris que sa bonne humeur de la journée était trop exagérée pour être sincère. Elle était artificielle !
Non... Je ne l'ai pas compris moi-même, mais tu verras ça plus tard, mon cher journal.
Mais ce que je redoutais était encore une fois arrivé. Mes espoirs se sont immédiatement évaporés.
J'ai su que c'était vrai, encore une fois. Et je me suis mis à frémir.
 
Elle a nié, disant que que Jimmy avait juste un peu de fièvre et que son père allait très bien. Mais sa voix tremblait. Elle racontait des histoires, un enfant de cinq ans l'aurait remarqué. Moi, j'étais dépité, triste, paniqué. Je ne faisais plus du tout attention à ce que je disais.

J'ai alors commencé à lui crier dessus, à lui hurler qu'elle mentait, que je le savais et qu'elle se moquait de moi. Ça l'a d'abord étonnée. Elle est restée étonnamment calme pour quelqu'un qu'on engueule de cette façon. Puis elle m'a demandé comment je le savais.
 
Et là, je l'ai dit. J'ai répondu que c'était Elle qui me l'avait dit la nuit dernière.
J'en avais déjà beaucoup trop dit. Il était trop tard.
Elle m'a demandé de quoi je parlais, l'air perplexe.

Don't Read at Night | Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant