Ils nous contrôlent

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01.06.15
Ce sont mes derniers instants à vivre. Le médecin a été clair ce matin : il me reste une semaine tout au plus. Ça me semble important d'écrire car je ne comprends pas. Mes organes sont en train de me lâcher, ça, c'est le fait. Mais ce que je comprends pas, c'est pourquoi.

De tous les médecins, de tous ces soi-disant spécialistes que j'ai consultés aux quatre coins de la ville, pas un n'a été foutu de trouver la cause. "Désolé Monsieur Bertaud, vous êtes un cas rare. Peut-être une maladie orpheline." Putain. Et bien sûr, sans cause. Pas moyen de traiter les symptômes. Mes analyses sont en chute libre depuis le début du mois dernier. J'ai choisi de passer mes derniers instants chez moi plutôt que dans une chambre d'hôpital. Je ne suis même plus sûr que ce soit une bonne chose. Je vais mourir seul.

02.06.15
Je me sens tellement faible, j'ai envie de rien. Chaque jour qui passe me rapproche un peu plus de la mort, faut dire aussi que ça motive pas. Une semaine putain. S'il m'avait dit un mois, j'aurais vendu l'appart, mes biens et tout claqué dans toutes ces choses futiles qu'on se refuse car mieux vaut garder ces sous pour plus tard, pour la retraite ou un pépin en cours de route.

Ah, si j'avais su, j'aurais fait ça différemment, c'est sûr. Je revois toutes ces choses que j'ai refusé d'acheter, de faire. Cette fille à qui je plaisais, à qui j'ai refusé un verre sous prétexte qu'elle n'était peut-être pas assez bien pour moi. Elle serait peut-être avec moi, à l'heure qu'il est, m'offrant un bon moment avant que je passe l'arme a gauche.

Mais non, je suis seul dans mon appart, seul à me morfondre sur ce bout de papier. Qui sait qui le trouvera ? Qui sait même quand on me trouvera ? Sûrement quand l'odeur de mon corps en putréfaction ira chatouiller les narines de mon voisin de pallier, s'il est pas trop défoncé pour réaliser.

Des trucs bizarres sont en train de pousser sur mon corps. On dirait des croûtes, mais c'est pas du sang. Ça ressemble à de la terre. J'ai essayé d'appeler l'hôpital pour leur en parler. Le médecin avait l'air distant. Il m'a dit qu'il me recontacterait, mais ça fait déjà cinq heures. J'appellerai demain. De toute façon, ça changera rien pour moi, mais ça aidera peut-être à comprendre si un autre cas se présente. Même si dans le fond j'en ai rien à foutre. C'est le seul contact humain qu'il me reste.

03.06.15
C'est dégueulasse, j'ai ces espèces de croûtes de terre un peu partout sur moi. J'ai rappelé l'hôpital ce matin, on me dit que la ligne n'est pas attribuée. Ils ont sûrement un souci, il y a un orage monstrueux dehors, et je vois que quelques habitations sont privées de courant. Ma fin de vie sera vraiment pathétique.

Plus aucun de mes contacts ne fonctionne. Ma télévision ne marche plus non plus. J'ai cette putain de neige sur toutes les chaînes. Et le comble du comble : je ne trouve plus les clés de chez moi. C'est comme si j'étais condamné à passer les dernières heures de ma vie seul comme un con. Quelle fin de vie pitoyable. Et cet orage qui gronde dehors... Il commence à m'angoisser.

04.06.15
Je commence à étouffer chez moi. Je n'ai plus aucun contact avec l'extérieur, plus rien. On m'avait dit qu'un infirmier passerait dans la semaine mais toujours rien. Mon téléphone, ma télé, et même la radio... Rien ne marche. J'ai ouvert toutes les fenêtres dans l'espoir de voir du monde. Je suis au douzième et dernier étage, alors les quelques personnes que j'aperçois ressemblent plus à des fourmis qu'à des humains. Il fait froid, mais c'est tout ce qui me permet de me sentir encore vivant.

Je ne peux plus bouger mon bras gauche : il ne forme plus qu'un amas de croûtes terreuses. Ça se propage extrêmement vite. Les croûtes sur mon cou et sur ma poitrine commencent à m'empêcher de respirer. Ça me comprime. Je commence à paniquer.

Les lumières de chez moi se sont éteintes. Je vois un peu grâce aux lumières de la ville et aux éclairs. Je ne me sens plus à l'abri chez moi. Quand est-ce qu'il va se décider à passer, ce putain d'infirmier ?! Je crois que j'ai fait une connerie en voulant rester chez moi. Je veux pas mourir seul. J'ai peur.

05.06.15
Je crois que je deviens fou. Il n'y a plus aucune lumière chez moi, mais je vois des lumières rouges qui clignotent un peu partout. Je vois rien pourtant. Je viens d'en voir une sur l'étagère, mais quand j'y suis allé, il n'y avait rien. Je deviens parano je crois.

Non, je suis pas fou. Il y a un truc qui cloche. En me penchant à la fenêtre, j'ai vu de la lumière chez les voisins. Et j'entends la télé chez le voisin d'à côté. Je suis la seule habitation sans électricité. C'est pas normal. Il y a quelque chose de pas normal. Et ces lumières qui n'arrêtent pas. C'EST QUOI ?! JE DOIS SORTIR DE LÀ !

Rien à faire. La porte ne bouge pas d'un poil. Et personne ne m'entend gueuler ! Bon, faut que j'arrête de paniquer. Allez. Je suis condamné à crever seul chez moi. C'est tout. Y'a pas mort d'homme. Hahaha. Si, y'a mort d'homme.

Je deviens fou, putain. Je suis là, à écrire dans le noir. Ce corps ne ressemble plus à rien. J'ai les oreilles qui sifflent depuis une heure. J'ai de plus en plus de mal à respirer. Et ces lumières ! ARRÊTEZ ! Je crois qu'on me filme. Je vois que ça ! Ce sont des caméras ! L'infirmier qui m'a ramené chez moi la première fois a dû les poser sans que je m'en aperçoive !

Je me suis posté devant une des ces lumières. Elle s'est arrêtée quand je me suis approché, bien sûr ! Mais c'est pas grave. Je leur ai dit que je savais qu'ils me voyaient, que c'était pas bien ce qu'ils faisaient.

J'ai tout retourné chez moi. Partout où il y avait des lumières, j'ai tout retourné. Je suis plus malin qu'eux !

Mes cheveux tombent par poignées. Mes dents se déchaussent aussi. Je suis en train de pourrir. Je sais même plus si je suis encore en vie. J'entends plus la télé chez le voisin. En fait, je crois que j'entends plus rien. Je suis sourd.

Y'a encore des lumières ! Elles sont fixes maintenant ! Ça vient des murs, on dirait ! C'est dans les murs. Plus de force. J'arrive pas à les casser.

06.06.15
Je voi de moins en moins. Je per la vu maintebabt. Je vois plus qu ces lumière. Il ont gzgné. Jarrete de lutter.

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Sujet n°16589.

- 38 ans.
- Non-fumeur.
- Mort 42 jours après le début des premiers symptômes.
- Le sujet commençait à se poser des questions. Voir le fichier joint.

- Une recherche est en cours pour déterminer pourquoi l'immunité n'a pas fonctionné.

- Aucune similitude et aucun lien de parenté avec les autres sujets.

- 1679 cas de plus que l'année dernière.

- Penser à augmenter les doses d'antibiotiques.

Don't Read at Night | Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant