Ça s'est passé il y a à peine un mois.
Je venais de passer un week-end chez mes grands-parents. Mon petit frère avait voulu passer la nuit chez un ami, tandis que ma grand-mère était partie en voyage avec la chorale dans laquelle elle chantait. Aussi, pour la première fois depuis longtemps, je m'étais retrouvée seule avec mon grand-père pendant deux jours et une nuit.Ce jour-là, dimanche, il était convenu que nous retrouvions mes parents devant le Palais de Justice de la ville de G*****. Ceux-ci, comme je l'ai peut-être précédemment mentionné dans des posts plus anciens, sont tous les deux avocats. Ils sortaient d'une réunion des membres du Conseil de l'Ordre à 18h précises, et la maison de mes grands-parents se trouvait à 1h30 en voiture de G*****. Nous étions donc partis à 17h15, afin d'avoir un petit quart d'heure d'avance, au cas où.
Le début du voyage s'est déroulé sans accroc. Au début, mon grand-père et moi avions discuté, écouté de la musique, puis nous avons laissé le silence s'installer. Une heure et demie, ça peut être long, et nous n'avions rien à faire. Quand nous sommes entrés dans la ville, je me souviens avoir soupiré de soulagement. La route avait été ennuyeuse.La première fois que je l'ai vu, il marchait d'un pas vif sur un trottoir à l'ombre des immeubles. Il a attiré mon attention, car il se comportait de manière étrange. On aurait dit qu'il fredonnait un air de musique, ou peut-être bien qu'il se parlait tout seul. Je ne savais pas trop. Il avait une coupe bizarre, une sorte de bol à l'envers se finissant par des longues mèches brunes et grises ondulées, qui lui arrivaient aux épaules. C'était un homme, sans hésitation, d'à peu près l'âge de mon grand-père. Il portait une chemise blanche des plus ordinaires, avec un jean bleu foncé tout à fait banal, et un sac noir en bandoulière, en travers de son épaule.
Je l'ai vu, observé, puis oublié. Il me mettait un petit peu mal à l'aise, mais c'était uniquement à cause de son apparence - qui faisait un peu looser - et du fait qu'il remuait les lèvres tout en marchant.
Mais ce n'était qu'un piéton inconnu. Je ne m'attendais pas à le revoir, alors je l'ai tout simplement écarté de mes pensées.
La seconde fois, c'était à un rond-point. Mon grand-père, peu familier avec la ville, s'était un petit peu perdu et nous tentions de retrouver notre chemin. Alors que nous tournions sans trop savoir où aller, je l'ai aperçu sur le trottoir à ma droite. Il avait accéléré son rythme de marche, et continuait à parler/chanter tout seul. Au début, je me suis amusée de la coïncidence, en pensant que l'homme nous avait simplement rattrapés à cause de nos détours. Mais j'ai ensuite croisé son regard. Il était sombre, confus, un peu fou aussi. Et ça m'a vraiment mise mal à l'aise. Alors j'ai détourné le regard.
La troisième fois, c'était lors de l'accident.
Mon grand-père jurait et frappait le volant, frustré. Nous avions largement écoulé notre quart d'heure de prévention, et mes parents s'impatientaient. J'avais reçu de nombreux sms tentant tant bien que mal de nous guider, mais rien à faire : nous étions perdus.
Et soudain, il s'est tenu au beau milieu de la route.L'inconnu que j'avais déjà aperçu par deux fois. Il regardait la voiture lui foncer dessus, sans bouger, sans frémir. Mon grand-père a braqué brusquement, me faisant sursauter, pour l'éviter. Il a perdu le contrôle du véhicule.
Le chaos total, la douleur, puis le noir et le silence.Je ne peux pas vous expliquer ce qu'est l'inconscience. Ce que l'on ressent. C'est juste impossible. Il faut le vivre pour comprendre. Mais je me souviens avoir fait un rêve. J'ai rêvé de l'homme. Il me regardait. Il avait un éclat de verre brisé dans la main, qui dégoulinait de sang. Et je savais que ce sang était le mien.
Lentement, il levait le bras et faisait mine de me poignarder. Il répétait cette action encore et encore. Et moi, je ne ressentais rien. Rien d'autre que le froid. Puis l'homme a lâché l'éclat de verre, et lentement les traits de mon grand-père se substituaient aux siens. Et il se tordait de douleur en pleurant.
J'ai voulu hurler, mais rien n'est sorti.Quand je me suis réveillée, j'étais à l'hôpital, dans une chambre blanche. Des contusions et des coupures partout sur le corps, un bras dans le plâtre. Un médecin m'a prise en charge dès que le personnel s'est rendu compte que j'étais sortie du coma. Ma famille est venue me visiter, en pleurant des larmes de joie. J'avais été blessée dans l'accident. Mis à part mon membre cassé, plusieurs éclats de verre s'étaient insérés à divers endroits de mon corps, et j'avais eu une commotion cérébrale qui avait effrayé les médecins pendant un moment. Inquiète, j'ai demandé à mes parents ce qui était arrivé à mon grand-père, et j'ai été soulagée d'apprendre qu'il s'en était miraculeusement sorti sans aucune égratignure, mais que je ne pouvais le voir car il se trouvait dans une autre section de l'hôpital. Le choc de l'accident l'avait beaucoup ébranlé, et il s'en remettait tout doucement.
Quand j'ai été prête à sortir de l'hôpital et que mes blessures ont tout à fait été soignées, j'ai enfin pu le rencontrer.
Et la joie de le revoir a vite été remplacée par de la terreur.
Ce n'était pas mon grand-père. C'était l'homme qui avait provoqué l'accident. Mes parents l'ont accueilli comme s'il avait toujours fait partie de la famille. Même mon petit frère l'a appelé "Papy".Ce sont les grandes vacances. J'ai tout essayé pour prévenir ma famille, mais à chaque fois que j'aborde le sujet, ils me regardent doucement sans rien dire, comme si j'étais folle. Sur les photos, toutes les traces de mon véritable grand-père ont disparu, ou alors ont été modifiées. Ce n'est plus lui sur la photo de mariage de mes parents, c'est l'Autre. Ce ne sont plus les initiales de mon grand-père qui se trouvent inscrites sur les tableaux qu'il a peints. Juste une sorte de petite étoile noire.
Alors j'ai trouvé mille et un prétextes pour ne plus me rendre chez mes grands-parents, à tout prix.
Il y a quelques semaines, j'ai appris que ma grand-mère qui était rentrée de son voyage depuis plusieurs jours était décédée d'une crise cardiaque. Mais on ne lui connaissait aucune faiblesse au niveau du cœur.
Dans trois jours, on se rend chez eux afin d'apporter notre soutien à "grand-père" et d'enterrer grand-mère.Hier, j'ai reçu un sms provenant du numéro de mon grand-père. Le vrai. Ça m'a fait sursauter, parce que je sais que ce téléphone a disparu dans l'accident, en même temps que son propriétaire. J'ai vu celui de l'Autre. Les deux n'ont rien à voir, les numéros ne sont pas les mêmes. J'avais déjà essayé de contacter mon grand-père. J'avais même essayé de lui envoyer des mails, restés sans réponse. Mais quand je l'ai appelé, quelqu'un a décroché immédiatement, et je n'ai entendu qu'une plainte longue et stridente, comme des pleurs. Cela m'a tellement effrayée que je n'ai plus jamais essayé de le rappeler.
Il m'a envoyé : "À très vite."
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Don't Read at Night | Tome 1
TerrorVoici le premier tome de la trilogie Don't Read at Night. Ces trois tomes contiendront individuellement 199 histoires d'horreur, donc en tout 597 histoires pour vous effrayer et vous faire vivre des nuits blanches. Bonne lecture et surtout.. Ne lise...