Le ver dans la pomme

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Dumbledore s'éclaircit la gorge, manière de rompre un silence qui menaçait de s'éterniser, avant de prendre la parole.

—Alors, votre soirée a-t-elle été... fructueuse ?

L'étincelle qui pétillait dans le regard myosotis démentait le ton soigneusement neutre. Le vieil homme considérait avec un amusement presqu'attendri le Maître des potions qui s'était mis à déambuler nerveusement de long en large devant la cheminée de son bureau en évitant son regard, après avoir repoussé d'un geste la bonbonnière qu'il lui tendait.

Aucune des alarmes qu'il avait placées sur toutes les entrées, même les plus secrètes, du château ne s'étaient déclenchées avant celle qui l'avait averti, une heure plus tôt, du retour de l'espion. Depuis la réapparition du Seigneur des ténèbres, il avait étendu le contrôle à tout le monde, y compris aux personnes reconnues par la magie de Poudlard. Leurs noms apparaissaient sur une carte très semblable à celle des maraudeurs, dissimulée sous l'apparence inoffensive d'un tableau représentant le château, au-dessus duquel flottait la devise de l'école. Seul le directeur en exercice pouvait le voir sous sa réelle apparence, et le bâtiment lui-même en étant le Gardien du Secret, aucune indiscrétion humaine n'aurait donc pu dévoiler ce qui était sans aucun doute une des clés de l'omniscience apparente du vieux mage.

Severus n'était pas rentré de la nuit, et il se doutait bien que cette fois, ce n'était pas Voldemort qui l'avait monopolisé. Il avait en effet fait promettre à son protégé de le tenir au courant de toutes les convocations du Seigneur des Ténèbres, et à moins de circonstances exceptionnelles, Severus n'aurait jamais failli à sa parole. Il agita négligemment la main pour faire apparaître une théière fumante accompagnée de deux tasses et d'une assiette de gâteaux, qui vinrent gracieusement se poser sur le guéridon placé entre les deux confortables fauteuils qui jouxtaient la cheminée.

« Asseyez-vous mon garçon, vous allez finir me donner le tournis. Et prenez une tasse de thé et un biscuit, je suis certain qu'encore une fois, vous n'avez pas pris le temps de petit-déjeuner. Vous allez rendre Minerva folle, elle ne me parle plus que de votre maigreur et de votre mauvaise mine... » Poursuivit-il dans une tentative de dégeler l'atmosphère.

L'homme en noir finit par prendre place à contrecœur sur le deuxième fauteuil. Pour se donner une contenance, il prit le temps d'avaler une gorgée du liquide brûlant, avant de répondre. Il n'avait pas manqué de remarquer la légère hésitation dans la formulation de la question, et il aurait presque soupiré de soulagement en voyant qu' Albus n'avait pas l'air de vouloir commenter sa petite escapade de la nuit, qui pourtant n'avait pas du lui échapper. Il avait beau être très largement adulte et libre de dormir, ou pas, là où il le voulait sans avoir de rendre de comptes à personne, il affichait, sur certains sujets personnels, une pudeur que d'aucuns auraient qualifiée d'excessive.

—C'est bien ce que je soupçonnais, Phil-hem-Madame Rosmerta est sous Imperium... et Draco en est bien le responsable... Même si bien entendu, nous n'en aurons jamais aucune preuve sans enquête officielle... Et encore ! La Legilimencie n'étant pas un moyen accepté par le Magenmagot, prouver un Imperium sans y avoir recours est quasiment impossible.

Un point de législation dont un bon nombre de partisans de Voldemort, Lucius Malfoy en tête, avait profité pour sortir indemnes de toute accusation après la première guerre, en plaidant le maléfice.

—Bien... J'ai moi-même eu une petite conversation avec Abelforth, ce matin. Il accepte de coopérer avec l'Ordre, nous nous servirons donc désormais de l'arrière salle de La Tête de Sanglier, en cas de besoin, comme 'boite aux lettres' et point de rendez-vous. Mais nous ne mettrons au courant que ceux dont nous sommes absolument surs... Et bien entendu, personne ne devra changer ses habitudes concernant Les Trois Balais, le fait que nous sachions, pour Rosmerta, nous donne un coup d'avance, nous pourrions même l'utiliser à notre avantage... Lui laisser surprendre certaines conversations confidentielles par exemple, qu'elle pourrait rapporter au jeune Draco, et qui en outre, confirmeraient les informations que vous donnez déjà à Voldemort, ce qui renforcerait votre crédibilité auprès de lui...

Le Veilleur dans l'Ombre I - Le jeu du PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant