La Maison de Salazar

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—Il a agi impulsivement, je suis persuadé qu'il n'aurait jamais fait volontairement une chose pareille.

Snape leva les yeux au ciel avec un soupir excédé. Sans grande surprise, Dumbledore prenait la défense de son Gryffondor préféré, tentant autant que possible de minimiser la portée de ses actes. C'était à la fois navrant et presque amusant de voir que rien n'avait changé. Un Serpentard avait failli mourir, deux s'il se comptait, mais Potter, comme son parrain et ses complices quelque vingt-deux ans plus tôt, une certaine nuit de pleine lune, s'en sortirait sans une 'égratignure'.

—Et c'est bien ce que je lui reproche ! Il est dangereux ! Il a agi avec une inconscience criminelle. Ça me fait mal de le reconnaître, mais même son père n'aurait pas été assez stupide pour utiliser un sort qu'il ne connaissait pas sur quelqu'un, sans l'avoir testé auparavant ! Il a failli tuer Draco... et moi par la même occasion. Même si je suis certain que ce dernier point ne l'aurait pas traumatisé outre-mesure. Je m'étais arrangé pour lui transmettre le livre afin de lui donner des armes pour se défendre efficacement contre les Mangemorts, par pour assassiner les autres élèves !

—Je comprends tout à fait que vous soyez en colère, mon garçon, mais ce qui est fait est fait et le jeune Malfoy s'en est bien sorti. Quant à Harry, je suis certain que la peur qu'il a éprouvée et la punition que vous lui avez donnée lui auront servi de leçon.

—Pas au point de lui faire perdre le sens pratique en tout cas ! Moins d'une demi-heure après avoir failli tuer un de ses condisciples, et malgré son soi-disant traumatisme, il a essayé de me flouer en cachant le livre afin de pouvoir le garder, et en me donnant à la place celui de Weasley. Ah ils sont reluisants, vos Gryffondors ! Dites-moi, par simple curiosité... auriez-vous été aussi indulgent avec Malfoy si les rôles avaient été inversés ?

—M'accuseriez-vous de partialité, Severus ?

—Oh s'il vous plait, Albus, nous savons fort bien tous les deux à quoi nous en tenir sur ce point-là. N'essayez pas de jouer à ce jeu avec moi !

—Vous m'en voulez encore pour cette malheureuse histoire, plus de vingt ans après ?

—Il ne s'agit pas de moi, pas seulement, et vous le savez très bien. Les Serpentards sont ostracisés dans cette école. Dès le départ. Qui a jamais applaudi un Serpentard, lors de sa répartition, mis à part ceux de sa maison ? Tout juste s'ils ne sont pas hués ! Pourquoi sont-ils toujours présumés coupables et les autres innocents en cas de problèmes ? Pour tous, ici, ils sont la Maison des traitres, des lâches, des Mangemorts en devenir. Les personnes à ne surtout pas fréquenter sous peine d'être soi-même mis à l'écart. Les parias, relégués dans les cachots... Qui a jamais tenté de remédier à cet état de fait parmi les professeurs et les directeurs de Maisons ? Combien de fois a-t-on opposé la sacro-sainte tradition à mes demandes pour des locaux plus sains et accueillants pour des enfants, que ces souterrains sombres et glacés qui transpirent l'humidité, et où l'on ne distingue pas le jour de la nuit ? Ce n'est pourtant pas ce qui manque dans ce château où des ailes entières sont inoccupées. Qui à par moi, s'est élevé contre l'injustice qui leur a été faite à la fin de la première année de Potter, lorsque vous leur avez volé la coupe qu'ils avaient gagnée, et alors que la Grande Salle était déjà décorée à leurs couleurs ? Pouvez-vous seulement imaginer leur humiliation, alors que tous, élèves comme professeurs, applaudissaient à leur déconfiture ? Si au moins vous aviez eu la décence, quitte à favoriser Gryffondor, au moins de les mettre à égalité, afin de préserver leur honneur... Mais les Serpentards n'ont aucun honneur, c'est bien connu, n'est-ce pas Albus ?

Devant l'indulgence dont faisait preuve, une fois de plus, le vieux mage envers Potter, et à travers lui les Gryffondors, il n'avait pas pu s'empêcher de lui asséner, en vrac, tout ce qu'il gardait sur le cœur depuis des années. Certains des portraits des anciens directeurs avaient renoncé à faire semblant de dormir, et écoutaient maintenant avec intérêt, sans chercher à s'en cacher. Dumbledore eut la décence de paraître embarrassé.

Le Veilleur dans l'Ombre I - Le jeu du PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant