L'âme du démon

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La surveillance de Missy avait fini par porter ses fruits. Elle était tellement heureuse que Severus ait enfin daigné se souvenir de son existence, qu'elle avait mis tout son cœur à ne pas le décevoir. Depuis que le professeur le lui avait demandé, elle n'avait pas quitté Harry d'une semelle, ne s'accordant quelques minutes de repos que lorsqu'elle était certaine qu'il était endormi et ne bougerait plus pendant quelques heures, et encore avait-elle jeté des alarmes autour de son lit afin d'être prête dès qu'il posait un pied par terre. Elle était même allée jusqu'à déléguer provisoirement l'entretien des appartements de Snape à l'un de ses congénères afin de mieux se consacrer à sa mission.

Lorsque l'elfe l'avait averti de la rencontre de Potter et de Slughorn, et du rendez-vous qui en était résulté, à la cabane d'Hagrid, Severus avait aussitôt abandonné grimoires et parchemins, en priant pour que l'objet de ses recherches n'ait pas la mauvaise idée d'appeler ses troupes au même moment.

Plus le temps passait, et plus l'esprit de Voldemort devenait instable, et ce n'était pas le moment de négliger, ni même d'être simplement en retard à ses convocations. Celui qui arrivait un peu trop après les autres à son goût, était considéré comme « tiède » et finissait généralement par faire les frais de la colère du psychopathe, qui entendait désormais être obéi par ses troupes au doigt et à l'œil, dans l'instant et sans admettre aucune excuse, qu'elle soit personnelle ou professionnelle. Il n'était plus question pour lui de prétendre qu'une quelconque amitié le liait à ses adeptes, comme il avait pu le faire dans le passé. Il exigeait d'eux une soumission totale. Leurs vies lui appartenait, et plus d'un n'était jamais revenu d'une réunion où il suffisait de quelques minutes de retard, d'un regard, ou d'un mot, qui déplaisaient au Seigneur des Ténèbres pour déclencher ses foudres. Et bienheureux était alors celui qui avait la chance d'avoir droit à une fin rapide et indolore.

Seuls Draco Malfoy, qui était mineur et à qui il était impossible de quitter Poudlard en-dehors des vacances scolaires, et Severus durant ses heures de cours - mais les convocations survenaient rarement dans la journée - étaient dispensés de cette obligation. L'ambiance des réunions au manoir Jedusor était désormais pesante et silencieuse, et dans l'immense salle de réception où elles se tenaient, on pouvait presque sentir physiquement l'odeur de la peur flotter au-dessus des participants. Les Mangemorts n'étaient plus uniquement soumis à leur Maître par les meurtres commis lors de leur initiation, mais également par la terreur. Ce n'était plus seulement leurs vies qui étaient menacées. De cela, beaucoup se seraient accommodés, mais aussi celles de leurs familles, et Mangemorts ou pas, la plupart d'entre eux étaient prêts à tout pour protéger les leurs. Voldemort se repaissait de cette toute-puissance, et son esprit dérangé en testait et en repoussait sans cesse les limites.

Devant cette dégénérescence, dont il commençait maintenant à avoir un début d'explication, le combat personnel de Severus, qui, au début, avait été uniquement lié à son serment envers la mémoire de Lily, s'était peu à peu transformé en une lutte convaincue, non pas uniquement pour 'Le plus grand bien' cher à Dumbledore, mais contre le chaos dans lequel le monde entier, et pas seulement celui des sorciers, était menacé d'être précipité, sous la domination d'un tel monstre dévoré par une folie qui semblait ne pas avoir de bornes.

Dissimulé sous un sortilège de Désillusion, il avait discrètement suivi Harry et le professeur de potions, et assisté, de loin, aux funérailles d'Aragorg. Non sans grimacer au passage à l'opportunisme d'Horace, qui profitait du chagrin d'Hagrid pour se faire un beau petit paquet de Gallions en récupérant discrètement le venin de l'Acromentule morte. En bon Serpentard, il n'avait rien contre l'opportunisme, mais il réprouvait la malhonnêteté.

En s'éloignant de la fenêtre de la cabane du garde-chasse, par laquelle il avait assisté à toute la scène, Severus ne pouvait s'empêcher d'admirer, à son corps défendant, la tactique, toute serpentarde, qu'avait utilisée Harry pour soutirer à Slughorn les souvenirs que Dumbledore lui avait demandé de récupérer. Quelques dizaines de mètres plus loin, après l'avoir déverrouillée d'un rapide Alohomora, il se fondit dans l'ombre de la porte entrouverte de l'appentis jouxtant le potager, près duquel l'adolescent devait obligatoirement passer pour retourner au château. Il n'eut pas à attendre bien longtemps avant de le voir arriver, la satisfaction de sa réussite gravée sur le visage, après avoir abandonné à leur sommeil éthylique les deux professeurs, qu'il avait consciencieusement enivrés pour arriver à ses fins.

Le Veilleur dans l'Ombre I - Le jeu du PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant