Au nom du père

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Derrière les rideaux tirés de son baldaquin, Harry n'arrivait pas à trouver le sommeil, et les ronflements sonores de Ron n'étaient pas faits pour l'y aider ! Il ne pouvait s'empêcher de tourner dans sa tête le souvenir qu'il avait visionné, deux nuits auparavant, en compagnie de Dumbledore. Il revoyait le Jedusor de quinze ans, tellement semblable bien qu'un peu plus jeune, à celui qu'il avait rencontré dans la Chambre des Secrets, avant de tuer le Basilic. Un démon au visage d'ange... et soudain, les paroles d'Hermione lui revinrent à l'esprit, 'un délit de sale gueule'... l'inverse pouvait être aussi vrai, Tom en était la preuve vivante.

Jedusor était beau, séduisant, on lui aurait, selon l'adage populaire 'donné le bon Dieu sans confession', mais il était doté d'un esprit maléfique et répugnant...

Snape... Il détestait Snape, il le détestait depuis avant même son premier cours de potions et leur première confrontation, depuis la première fois où il avait posé son regard sur lui, lors du banquet de rentrée, en première année. La douleur fulgurante qu'il avait ressentie dans sa cicatrice, au même moment, y avait peut-être à l'époque été pour quelque chose. Sauf que quelques mois plus tard, il avait découvert que Voldemort partageait le corps de Quirell, qui avait été assis près de lui à ce moment-là, et que la douleur se réveillait à chaque fois qu'il était à proximité, non de Snape, mais de Quirell-Voldemort.

Non, ce n'était uniquement la douleur, il y avait autre chose... Cette insistance à le regarder dans les yeux, comme s'il s'appliquait soigneusement à ne jamais voir que cette partie de sa personne. Cette obsession à le comparer à James Potter. A critiquer et à insulter ce père que tous ceux qui avaient été ses amis lui avaient toujours décrit comme un héros, droit et irréprochable.

Il ne voulait pas entendre la petite voix dans sa tête, qui lui susurrait '' ses amis, Harry, ses amis, mais des amis peuvent-ils dire autre chose que du bien, de leur compagnon disparu... d'autant plus s'ils ont eu leur part dans ses forfaits ?''

Ce père qu'il avait pourtant vu, dans le souvenir dérobé dans la Pensine de son professeur, sous un jour tellement différent ! Arrogant, bêtement et gratuitement méchant, le regard sournois et la bouche tordue sous le sourire méprisant caractéristique du Sang-pur, de l'enfant gâté, sûr de la supériorité de sa caste et de son impunité. Cette même expression, qu'il avait si souvent vue, et détestée, sur le visage de Draco Malfoy. Il revoyait le Snape de quinze ans, solitaire, négligé, l'uniforme mal ajusté, manifestement de seconde, voire de troisième main, et les chaussures éculées, tête basse sous les regards moqueurs et les rires des autres élèves, mais bouillonnant silencieusement de rage et de ressentiment.

Il les avait ressentis au plus profond de lui : l'humiliation, la honte, le désir irrépressible de vengeance. Solitude. Rejet. Toutes ces choses qu'il avait lui-même connues avant d'entrer à Poudlard. Cela aurait pu être lui, s'il n'avait pas rencontré l'amitié de Ron et d'Hermione, s'il n'avait pas été presqu'adopté par les Weasley ! Il ne pouvait pas supporter cet aspect-là de James, il ne voulait pas l'accepter !

Il ne voulait pas non plus repenser à çà, et pourtant, il ne pouvait s'empêcher de se revoir lui-même, à l'école primaire, flottant dans les vieux habits trop grands de son cousin, les cheveux toujours un peu trop longs et mal peignés... les regards des autres sur lui... les mêmes regards, et en face, la petite bande de Dudley, toujours prête à s'en prendre à lui sans raison, juste pour le plaisir. Le sentiment d'injustice, le désir de revanche... et pourtant les brimades qu'il avait subies n'étaient jamais allées aussi loin que ce qu'il avait surpris dans la Pensine de Snape, et les mauvais traitements jamais placé en situation de danger mortel. Mais il est vrai qu'il est rare de fréquenter un Loup-garou dans le monde moldu !

Le Veilleur dans l'Ombre I - Le jeu du PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant