Le Prince et le Loup

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Severus n'était pas rentré immédiatement. Si Albus vérifiait toutes les entrées et sorties du château, il pourrait paraître étrange qu'il rentre quelques minutes après Harry, après être sorti quelques minutes avant lui. Il décida de se rendre à Pré-au-Lard, et d'aller ostensiblement prendre un verre à 'La tête de sanglier'. Le témoignage de son propre frère serait le meilleur des alibis si le directeur se montrait soupçonneux.

Voilà pourquoi , au lieu de rejoindre la pile de devoirs à corriger qui l'attendait encore sur son bureau avant de pouvoir enfin prendre un peu de repos, il se retrouvait attablé, en tête à tête avec ses pensées, devant un verre d'un infâme tord-boyaux, auquel il n'aurait touché pour rien au monde. La mixture vendue par Abelforth sous le nom de 'whisky' était de composition indéterminée, et hautement corrosive. Il était certain qu'elle aurait fait merveille sur les chaudrons encrassés, et se demandait comment ses élèves n'y avaient pas encore pensé. Mais il était vrai que les quelques contrevenants à l'interdiction de boire de l'alcool préféraient le faire en contemplant les généreux appâts de Madame Rosmerta plutôt que la barbe d'Abelforth... et il était particulièrement mal placé pour leur donner tort sur ce dernier point...

Le Maître des potions réfléchissait, il avait besoin de mettre à plat ce qu'il venait d'apprendre. C'était tellement énorme, même pour Voldemort !

Il revoyait le jeune Tom Jedusor, demander à Slughorn s'il était possible de partager son âme en sept morceaux ! Sept ! Il connaissait l'obsession du Seigneur des Ténèbres pour les nombres magiques, et sept était certes le plus puissant d'entre eux, mais tout de même... Sept ! Il se prit à espérer qu'il avait fini par renoncer à cette folie, mais au fond de lui-même, il savait déjà que ce n'était qu'un vœu pieux. D'après ses déductions, il avait la quasi-certitude d'au moins quatre Horcruxes, dont deux avaient déjà été 'dépensés'.

Le premier lorsque son propre sort de mort s'était retourné contre lui, lorsqu'il avait essayé de tuer Harry, et que son corps avait mystérieusement disparu. A quoi son âme maudite s'était-elle raccrochée, alors ? Nagini ? Sous quelle forme avait-il erré, végété, durant dix longues années ? Comment s'était-il retrouvé dans la Forêt Noire, et comment avait-il approché Quirell, lors de son voyage d'étude des vampires en Albanie, pendant l'année sabbatique qui avait précédé sa prise de fonction en tant que professeur de Défense, et pris possession de lui ? Autant de questions qui resteraient certainement à jamais sans réponses. Qu'avait-il alors promis au jeune professeur d'études des Moldus timide et effacé, pour l'inciter à partager volontairement son corps avec lui ? La puissance ? Le pouvoir de dominer enfin ceux qui le dépréciaient, se moquaient de lui, l'humiliaient ? Il ne savait que trop bien à quel point Voldemort était doué pour exploiter ce genre de faille...

Le scénario s'était reproduit lorsque Quirell était mort. Un deuxième Horcruxe avait dû permettre à son âme de survivre encore une fois, mais en étant de nouveau privé de corps. Comment avait -il réussi à retrouver le répugnant rituel de nécromancie lié à la magie du sang et oublié depuis la nuit des temps, qui lui avait permis, trois ans plus tard, d'en reconstruire un, en profanant les ossements de son père ?

Un frisson glacé lui parcourut l'échine au souvenir de leurs 'retrouvailles'. Severus avait dû jouer très serré lorsqu'il s'était agi de lui expliquer pourquoi, pendant la première année d'Harry à Poudlard, il s'était dressé contre lui, l'empêchant de récupérer la Pierre Philosophale qui lui aurait assuré l'immortalité à laquelle il aspirait tant. Heureusement que la rage du Lord noir avait eu le temps de s'atténuer un peu entre temps, et qu'il lui avait permis de se justifier, avant de décider de sa punition. Il n'était jamais passé aussi près de la mort que cette nuit-là, et la séance de torture qui avait suivi lui avait presque fait regretter de mentir aussi bien. Il n'avait jamais non plus autant prié pour qu'un Avada Kedavra vienne mettre fin à ses souffrances, et il avait dû faire appel à toute la force de sa volonté et de son Occlumencie, pour ne pas lui donner le plaisir de le supplier de l'achever.

Le Veilleur dans l'Ombre I - Le jeu du PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant