Rome, lundi 20 septembre
Ces dernières journées ont été particulièrement formatrices.
D'abord, fi des places et lieux encombrés, le savoir se propage surtout dans les tavernes ! Quelques longs moments dans ces bas-fonds où personne ne s'étonne d'un chapeau conservé, et Stefano a oublié sa stratégie primitive. C'est dans les tavernes que ses oreilles moissonnent le mieux et que sa bourse est le mieux utilisée.
Racontars, rumeurs, anecdotes, bravades, insultes revanchardes, nourrissent un bruit de fonds constant à peine interrompu par une querelle plus ou moins avinée, ou le passage d'une serveuse dont les formes, dans cette ambiance faussement virile, deviennent prometteuses.
Elles sont également le bureau et le fonds de commerce des "menanti ", écrivains publics et tâcherons d'actualités plus ou moins sérieuses et vérifiées, plus ou moins croustillantes, pour le compte de diplomates ou d'espions de princes et ministres étrangers.
En dehors de ces heures enfumées, odorantes et bruyantes, Il ausculte et mémorise, avec une concentration quasi militaire, le périmètre de son quartier résidentiel. Périmètre qu'il élargit graduellement !
Places petites et grandes, voies carrossables, rue où se croisent, dans un incessant ballet chaotique, des chaises ouvertes ou fermées, à deux, trois ou quatre porteurs, ruelles où les cavaliers ignorent la piétaille, venelles où la piétaille s'amuse à bloquer les cavaliers, Rome s'étale dans un espace si restreint, que l'on se perd à deux pas d'un lieu familier, vite embarqué par des flux humains quand on ne se fait pas respecter.
Et, partout, bordant ou encombrant ces axes surpeuplés, des échoppes, minuscules ou grandiose, par la diversité incroyable de leurs étals, concrétisent, mieux que tout cours de géographie, le fabuleux essor du commerce tissé tout autour de cette terre enfin ronde.
A une échelle mille fois plus grande que le nombre de ses voisins du premier jour au Capitole, la diversité vestimentaire, langagière, comportementale de la foule omniprésente lui révèle la véracité du dicton si ancien : "Tous les chemins mènent à Rome".
Mais, ces chemins n'auraient-ils pas tendance à s'arrêter là ?
A l'instar d'une grande ville portuaire, Rome devient «Finistère» d'une faune se préparant aux grands jours à venir.
Soldats, mercenaires en mal de contrats d'embauche; anciens pèlerins devenus sédentaires par manque de moyens pour le retour ou d'envie de revenir à l'ancienne vie; colporteurs d'objets anciens plus ou moins sacrés et plus ou moins fabriqués la veille; marchands ambulant de toute marchandise y compris de l'eau potable (1); rabatteurs pour tavernes, auberges, maisons de plaisirs et artisans; diseuses de bonne aventure, qu'un simple foulard ou jupon large transforme en bohémiennes mi-moquées, mi-craintes; comédiens de rue entreprenants et narquois; mendiants bien sûr, de tout âge, de toute provenance, de tout handicap... tous peaufinent le meilleur accueil pour les pèlerins !
S'ajoute le nombre incalculable d'artisans, commis, sous-traitants, tâcherons, attirés par tous les travaux achevés ou encore en cours, dans l'aspiration de la monumentale construction de la Basilique Saint Pierre !
Enfin, les artistes ! Aux romains, lombards, florentins, vénitiens, napolitains et autres italiens présents depuis longtemps, s'ajoutent maintenant français, flamands, germains, espagnols.
Avant même l'arrivée en masse des pénitents attendus, la population civile de Rome, en cette fin d'année 1599 explose.
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Crepitus Dei
Historical FictionRome-1600 ! Un adolescent témoin de l'exécution de sa famille et condamné aux galères, un homme au sombre et discret passé transformé en ange gardien, un peintre caractériel brûlant sa courte vie au rythme de son génie innovant, une courtisane...