Du travail... déjà

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Les oreilles de Stefano s'amusent des sons inconnus, parfois gutturaux, parfois chantant, qui l'entourent.

Dans bientôt trois mois, Rome sera la Babylone punie par Dieu et résonnera de toutes les langues, dialectes, patois, jargons continentaux. Seuls les érudits parleront la langue chrétienne universelle, le pur latin romain.

Mais même des érudits hérétiques s'attaquent maintenant à ce si bel outil d'œcuménisme, en traduisant la bible en langages populaires. Bientôt, n'importe qui pourra lire, interpréter, s'approprier les paroles divines sans avoir besoin de clergé. Cette pensée répugnante le tire de son indolence et le fait se relever brusquement, juste avant qu'il n'achève un signe de croix instinctif.

Il se dirige alors vers les chaises fermées dont les porteurs paraissent lancés dans une discussion assez animée quoique  discrète, en vérifiant régulièrement l'éventuel retour de leurs passagères.

Cette prudence attise la curiosité de Bernardo qui s'engage alors le long des murs du couvent.

Il remarque une silhouette gracile, à l'autre bout de la ruelle, en haut des quelques marches de la porte latérale de l'église des franciscains. La main droite, tenant un mouchoir blanc, tremble à hauteur du visage. Une autre femme, probablement la domestique qui l'attendait à l'extérieur, se précipite  et soutient sa dame, de peur qu'elle ne défaille.

La mantille brodée peut alors être soulevée et la soie essuyer le visage.

Elles s'engagent prudemment dans la petite voie pentue,  la maitresse soutenue par la servante dans un lent et fragile pas de deux.


Point d'autres fidèles sortants d'un éventuel office.

Le choix de l'heure d'une telle visite laisse donc supputer une volonté de discrétion.

Une confession ?

Oui... probablement.

Et, compte tenu de l'état de la dame, une longue, difficile et épuisante confession.

Ce ne peut être une coïncidence... Non !

Quelque peu extatique, Stéphano se sent d'un coup adoubé pour sa mission par le haut, le Très Haut.


Revenu rapidement sur le belvédère, il feint alors d'admirer l'immense espace rempli de ruines plus ou moins enfouis, plus ou moins hautes, plus ou moins impressionnantes. Entre elles, des gamins surveillent distraitement les troupeaux éparpillés qui broutent entre les restes de l'empire romain. Tout au fond, le Colisée se dresse dans la lueur matinale,  digne, majestueux mais dépouillé pierre par pierre, comme une vulgaire carrière à ciel ouvert...

L'oreille tendue à s'en décoller, il peut assez vite se faire une idée des supputations émises par les porteurs sur leur transport si matinal.

"Des nom... des noms, Bernardo !". Au moment ou les deux femmes et le soleil reviennent sur la place, il en tient déjà un !





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