Découvrir le connu

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Stefano n'avait pas chômé.

Après cette si troublante rencontre au pied de la porte latérale de l'église des franciscains, il s'était permis d'y entrer, de faire quelques signes de croix devant l'autel. Le chapeau, légèrement soulevé par sa main gauche, cachait sa tonsure.

Puis il avait remonté l'allée centrale pour ressortir par le porche principal.

Cette courte et discrète traversée de l'église lui avait permis de croiser le seul prêtre présent, et de mémoriser son juvénile visage.

Du petit parvis extérieur, il dominait tout le visible de Rome. En contrebas, les marches plates menant au Capitole, sur lesquelles il se languissait plus tôt, perdaient toute leur prestance.

Derrière la sculpture équestre,  le carrosse, s'engageant dans la ruelle pentue, tonnait sur les pavés son écho caractéristique.


Trouver une chambre ! Où ? A quel prix ? Il n'avait toujours pas desserrer les cordons de la bourse qui écrasait sa hanche.

Stefano se rendit compte qu'en un an de présence, il n'avait fait que traverser la ville sainte. De Santa Sabina vers le Vatican ou vers le Quirinal, et inversement. Toujours les yeux baissés, toujours pressé. Bien entendu, il avait en tête les principaux bâtiments et leurs emplacements, mais quid d'une pension, d'un hôtel, d'une auberge ?

Une pension... Oui, ce serait le mieux, le plus discret...

Alors, le quartier ? Quitte à habiter une pension discrète, autant le faire dans un quartier, lui, fréquenté par toutes les couches de la population et incontournable pour les pèlerins et voyageurs.

La place Navonne... Oui ça s'imposait.

Comme Stefano n'avait jamais acheté et payé quoi que ce soit, il fallait être prudent. Il fit donc le tour des pensions dans le périmètre choisi, visita, interrogea les propriétaires, qui, compte tenu de ses vêtements de jardinier, le regardait de haut.

Il y consacra la demi-journée, et eu ainsi une vue assez clair des prix pratiqués. Il comprit que le jubilé approchant, il n'obtiendrait pas de bonnes conditions sur un long délai.

Il choisit alors une chambre proche de la petite place Pasquino, dont le nom provenait d'une statue antique accrochée sur l'un de ses angles, que Stefano n'avait jamais vue auparavant, mais qu'il connaissait de réputation. C'est sur sa base en pierre que les romains venaient régulièrement coller des pamphlets contre la papauté.

La place était accessible par un grand nombre de ruelles, ce qui pouvait toujours s'avérer utile dans ses nouvelles fonctions. L'escalier menant à la chambre était indépendant du corps de maison principale et garantissait la discrétion. La chambre était vaste, bien aménagée.

Posant beaucoup de questions, notamment sur l'absence de balluchon, la propriétaire devint accorte dès que Stefano eut sorti de sa manche l'écu d'or préparé à l'avance.

Quand la femme fut sorti, il ouvrit largement la bourse.

Il compris alors qu'avec ce qu'elle contenait, il aurait pu acheter la chambre et les meubles !

Se promener avec une telle somme était dangereux. Il prit donc le temps de chercher une cachette sûre.  Pour un religieux habitué à dissimuler, dans une cellule quatre fois moins grande, un trésor composé de  quelques ridicules objets sans valeurs, trouvés au long de ses périples ou chapardés dans le couvent, ce fût un jeu d'enfant.


Pour les vêtements, Stefano avait une idée bien précise. Il repartit donc dans l'après-midi vers le Campo di fiori, et de là, marcha jusqu'à la Place Giudia, devant la grande porte du ghetto.  A même le sol, des familles juives y vendaient toutes sortes de vêtements plus ou moins usagés, d'une variété incroyable. Habits sacerdotaux, parures militaires, habits professionnels, de ville, robe de soirée. Tous sexes, toutes tailles, tout tissu.

L'habileté des couturiers ramenait à la vie tout ce qui pouvait être ramassé ici ou là.

Il acheta au même couturier-chiffonnier une assez importante quantité de vêtements variés, et, en organisa la livraison, après que certaines retouches aient été faites.


Maintenant, satisfait de lui, il flâne, regardant, s'étonnant, écoutant, admirant parfois.

La lumière du soir joue sur les murs et se décompose sur les hautes fenêtres.

Quelle journée !

La faim quémande.

Un rabatteur lui coupe la route, et l'invite à entrer dans une taverne.

Chiche !






















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