Vittima esemplare di una giustizia ingiustia (1)

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La mise en scène semble fonctionner et la famille rentre à Rome.

Peu de temps toutefois, car la grande crue de décembre 1598 inonde une grande partie de la ville et le palais, tout proche du Tibre et du ghetto juif, est l'un des premiers bâtiments envahi par les eaux.

Mais Clément VIII a de la mémoire et une vision très personnelle des priorités. Un noble même pervers reste un noble.

Après que le Tibre ait repris son cours, que les morts aient été enterrés, et que Rome, nettoyée, ait retrouvé une activité normale, il ordonne une enquête.

On interroge un peu plus longuement ceux qui ne sont encore que les témoins du drame. Béatrice et Giacomo restent fermes et on les laisse libres.

Le juge serait il sensible à la beauté de Béatrice ? Décidément soupçonneux, le pape le démet et le remplace !

Un des truands engagés est arrêté pour une autre affaire. Une fois convaincu de sa culpabilité il ne s'arrête plus et avoue d'autres méfaits dont la tentative ratée de la citadelle. Il donne le nom de son complice. Celui-ci est arrêté à son tour. Probablement par amour pour Béatrice, il nie les faits et meurt sous la torture.

Une des servantes de la citadelle est également questionnée rudement. Elle se souvient que le lendemain du drame, Béatrice lui a remis un drap à nettoyer, taché, d'après sa maîtresse, du sang de ses menstrues.

Peu à peu l'étau se resserre.

On décide d'exhumer le corps de la victime. État effroyable du visage.

Il faut maintenant obtenir les aveux. Les garçons sont enfermés à la Tor di nona et les femmes à la prison des Savelli, à quelques minutes à pied du Palais des Cenci.

A chaque interrogatoire collectif, ils sont transportés au Château Saint Ange.

Béatrice et Giacomo sont irréductibles même sous la menace de la torture. La police romaine, persuadée qu'ils sont les responsables de ce meurtre, ne s'intéresse pour le moment qu'à eux deux.

De la menace on passe à l'exécution. Après autorisation obtenue auprès des plus hautes instances, compte tenu de l'antique noblesse des accusés, Béatrice et Giacomo sont emmenés en salle de torture et soumis à la corde.

Béatrice est déshabillée, l'humiliation étant une composante de toute torture, déchaussée et on lui attache les mains dans le dos avec une corde qui passe d'abord par une poulie fixée à une poutre du plafond avant de s'enrouler autour d'un axe que le bourreau peut tourner. On peut élever ainsi les bras vers l'arrière puis soulever le corps en entier.

Plus l'accusée s'entête et plus le corps est hissé.

On peut aussi, si nécessaire, relâcher d'un coup la tension afin que le torturé tombe violemment, ou encore, suspendre des poids à ses pieds pour redresser le corps, qui "naturellement" tend vers l'horizontal. Le "doigté" du tortionnaire consiste donc à fournir le maximum de douleur tout en évitant la dislocation des épaules, sauf, bien sur, sur demande express du juge !

On suspend ainsi Béatrice, le temps de une puis deux puis trois prières.

Béatrice résiste, hurle, insulte mais tient bon.

Dans une autre salle, Giacomo résiste également.

En désespoir de cause on « questionne » alors Lucrezia, la seconde femme de Francisco. Celle ci, paniquée de dévoiler son corps obèse, souffre le martyr dès que la corde se tend. Elle abdique immédiatement et avoue.

Giacomo, afin d'éviter que sa sœur ne soit torturée davantage, avoue à son tour. Seule Béatrice nie encore, mais quand on fait entrer dans la salle de torture ses deux frères et sa belle-mère qui l'exhortent à se rendre, elle déclare vouloir avouer tout ce que l'on dira d'avouer.

Cette scène est transcrite sur les livres de la police papale au 9 septembre 1599 au Château Saint Ange.

Un an jour pour jour après le meurtre.

Le pape est dans sa résidence d'été et reçoit la Congrégation du Saint-office.





(1) "Victime exemplaire d'une justice injuste" : extrait d'une plaque commémorative apposé sur le fronton d'un immeuble, construit sur l'emplacement de la prison de femmes des Savelli.


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