La nuit est complète maintenant. Le ciel luminescent annonce la chaleur du lendemain.
Le cardinal referme les volets, allume une lampe et chasse de sa main la fumée noire devançant la lumière.
On toque alors discrètement à sa porte.
Le cardinal l'ouvre et fait signe à Alito d'entrer puis de s'asseoir.
- "il s'est endormi comme une masse, éminence !"
- "Bien... mais je pense qu'il serait bon de le veiller, au vu de tout ce qu'il a du supporter. Voulez-vous bien rester cette nuit ?"
- "Bien sur, votre éminence."
- "Drôle de personnage, ce jeune homme. Je me demande si j'ai eu raison de mélanger tout cela."
- ...
- "Oui, je pense qu'une petite explication ne serait pas de trop. Voilà, quand j'ai appris très tôt ce matin que le pape l'avait gracié, j'ai repensé à ce que m'avait dit la veille l'avocat de la famille."
Et le cardinal de raconter les propos entendus sur le rire improbable.
- "Surprenant votre éminence. Ne sait-on vraiment pas ce qui a pu se passer ?"
- "Non. Et pourtant, que Giordano Bruno ait ri, moi qui maintenant le connait un peu, est un fait étonnant. Je poursuis... Ce matin donc, une intuition me fit alors me rendre au Quirinal, où je cueillais le pape au saut du lit, si vous me permettez cette image peu sacrée... Peut-être ai-je un peu profité de ce réveil intempestif pour parvenir à lui soutirer l'autorisation de décaler le départ du gracié aux galères, et à me le confier quelque temps. Suis-je clair ?"
- "Oui, votre éminence, parfaitement."
- "En sortant du Palais, je n'ai vu qu'un seul messager possible pour vous prévenir. Un Dominicain en faction, probablement pour rapporter à son Général tous les ragots matinaux. j'espère que vous l'avez bien traité."
- "Bien sur éminence."
Les deux hommes ont le même sourire moqueur.
- "Vous espérez donc, votre éminence, que la présence de Bernardo redonnera un peu de goût à la vie de votre hérétique mais..."
- "S'il vous plait, ne dites pas que Bruno est "mon" hérétique..."
- "Désolé, éminence... Puis-je vous soumettre une requête ?"
- "Je vous écoute."
- "Faire revenir Bernardo au Château ne me parait pas la meilleure solution pour qu'il puisse être en mesure de jouer réellement le rôle auquel vous le destinez !"
- "Hum... vous avez probablement raison. Je vais voir ce que je peux arranger. Bien je vous laisse vous reposer. Ici vous ne risquez rien et... notre secret est bien au chaud. "
Le cardinal se lève et, avec un nouveau sourire amusé et complice, prend le bras d'Alito jusqu'à la porte de son bureau.
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Crepitus Dei
Ficção HistóricaRome-1600 ! Un adolescent témoin de l'exécution de sa famille et condamné aux galères, un homme au sombre et discret passé transformé en ange gardien, un peintre caractériel brûlant sa courte vie au rythme de son génie innovant, une courtisane...