Giordano Bruno a ri

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Le Cardinal attend le retour d'Alito, parti accompagné le jeune noble arrogant dans la chambre préparée à son intention.

Un havre de paix ce Collège Romain. Loin des embrouilles vaticanes et chausse-trappes semées par la curie romaine.

Un petit appartement lui est acquis dans ce collège jésuite dont il fut l'un des professeurs, avant que le pape Clément VIII ne le fasse venir auprès de lui, comme conseiller, puis consulteur de la congrégation du Saint Office, joli nom qui habille en fait le tribunal romain de l'inquisition. 

Élevé au rang de cardinal en début d'année, il jouit maintenant d'un certain pouvoir, que lui envient et dénient les Dominicains, qui n'ont de cesse de critiquer les Jésuites le plus souvent possible.



Quelle histoire !

Tout cela à cause d'une erreur de débutant.

Le cardinal Bellarmino s'est appuyé sans retenue contre le dossier de son fauteuil.

Le soleil se couche et la chaleur du jour s'estompe peu à peu. Il se lève, tire la fenêtre entrouverte, repousse les volets et observe quelques instants le ciel.

Une erreur de débutant teintée au péché de l'orgueil !

Quand le Consulteur Bellarmino avait assisté à sa première réunion de la Congrégation du Saint-Office en mars 1597, Bruno était déjà prisonnier du Palais du Saint-Office de Rome depuis plus de trois ans. Il avait été acquitté auparavant par le tribunal de l'inquisition de Venise, mais Clément VIII, refusant le verdict, avai imposé son transfert à Rome.

Cinq ans d'instruction donc, pour parvenir à un pavé littéraire accusatoire de deux cents cinquante chapitres, remis aux membres de la congrégation en début de cette année 1599 et dont personne ne savait quoi faire.

Qui allait se désigner compétent, qui allait prendre le risque ?

Devant sa fenêtre, les yeux perdus dans sa mémoire, Roberto se répète tout haut la question : qui ?

Moi, bien sur ! Mais comment ai-je pu être ainsi naïf ?

Le Consulteur Bellarmino avait proposé que l'on regroupe les  accusations dans un minimum de catégories, et qu'il soit exigé de l'hérétique une abjuration par catégorie non par accusation une par une.

Un espoir de voir le bout du tunnel se présentait enfin.

Bien sûr, le travail de synthèse était colossal, mais le volontaire venait, par sa seule proposition, de se désigner.

Le 14 janvier 1599, on proposa le challenge au pape, et la salle du Vatican se fit silencieuse ! Clément VIII lu les huit propositions à abjurer, réalisées en deux nuits blanches par son conseiller en théologie. Il donna son accord, tout en précisant qu'il ne fallait pas oublier la gravité de certaines accusations et qu'une fois obtenue la résipiscence sur les huit points soulevés, qu'on l'obtienne également sur l'ensemble, point par point.

Les cardinaux les plus envieux regardèrent méchamment le Père Bellarmino, les plus malins avec un sourire narquois.


Dès le lendemain, le père Bellarmino flanqué de deux autres consulteurs, visitait Giordano Bruno, et dès le lendemain, l'homme Bellarmino se rendait compte de l'énormité de son erreur !

Lui, le roi de la controverse, le héraut de la synthèse de Saint Thomas d'Aquin, le pourfendeur des attaques protestantes et anglicanes, ne pouvait à peine esquisser un argument tant le flot intarissable du prisonnier, heureux de trouver un débatteur à sa mesure, était impressionnant. Le salut vint d'une colère soudaine du consulteur  Béccaria, général des Dominicains, qui insulta sans retenue l'apostat de son ordre, mettant ainsi fin à un entretien qui durerait encore probablement aujourd'hui.

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